En réponse aux impératifs sociaux et environnementaux, les techniques de construction en bois, terre et paille permettent non seulement de relancer l’économie locale, mais aussi de reprendre le contrôle sur un secteur qui appartient désormais à une poignée de multinationales, argumente l’association LESA dans son manuel intitulé Bois Terre Paille – BTP à l’intention des élus locaux. Une fronde pratique et concrète contre les multinationales de la construction.
Les méthodes de construction alternatives à base de bois, de paille et de terre crue font l’objet d’un enthousiasme grandissant, mais peinent encore à être reconnues à leur juste valeur par les décideurs, selon l’association LESA (Liens, Enseignements, Sens et Autonomie). Avec sa dernière publication, le Manuel éthique et pratique pour construire sans les multinationales, l’organisme qui s’engage pour le développement de la terre crue en construction, notamment en dispensant des formations, espère encourager le redéploiement à l’échelle nationale de techniques anciennes, mais trop souvent reléguées au second plan.
Le livret s’adresse en priorité aux élus ainsi qu’aux aménageurs et aux maîtres d’ouvrage afin de leur montrer qu’il est possible de « se réapproprier le monde de la construction ». Il propose en premier lieu un argumentaire répondant aux problématiques écologiques, culturelles et socio-économiques actuelles. Les auteurs, Marie Dano (Architecte en construction écologique) et Michel Philippo (Formateur, conférencier et directeur de l’Association LESA) appellent les municipalités et autres collectivités à utiliser leur pouvoir pour mettre en réseau et valoriser ceux qui sont d’ores et déjà impliqués dans des méthodes de construction alternatives. L’association s’engage également pour que les méthodes de construction alternatives soient enseignées auprès des étudiants en construction.
Une filière locale
Le secteur du BTP (Bâtiments et Travaux Publics), dont Vinci et Bouygues font partie des principaux représentants en France et dans le monde, est l’un des plus dynamique, mais aussi un des plus polluants à l’échelle mondiale. On estime que le ciment est responsable à lui seul d’environ 6 % des émissions de CO2. Outre les pollutions associées à la construction, la filière se heurte à la finitude des ressources, notamment celle du sable, pour lequel, aussi surprenant que cela puisse paraître, les experts s’accordent à annoncer l’épuisement dans les prochaines décennies*. Certaines îles, notamment en Indonésie, ont d’ores et déjà disparu. L’industrie de la construction, qui transforme 40 millions de tonnes de cette matière chaque année, en est le plus gros demandeur.
La question se pose : est-il vraiment nécessaire de surexploiter des matériaux se trouvant à l’autre bout du monde pour construite en France ? Selon LESA, le pays dispose de tous les matériaux nécessaires et de l’expérience requise pour avancer vers autre modèle. « La paille est une ressource disponible en abondance, répartie sur le territoire et donc à proximité des chantiers (très peu de transport), tout comme la terre lorsqu’elle est prélevée directement sur place », argumentent les auteurs du livret, qui plaident également pour un usage raisonné du bois et de la terre, et une gestion locale de ces ressources.
« Se réapproprier le monde de la construction »
Mais ce ne serait pas le seul avantage d’une transformation du secteur. Se tourner vers de nouvelles pratiques de construction pourrait permettre de « diminuer par 10 le bilan carbone de la construction », avancent Marie Dano et Michel Philippo, qui y voient également un important potentiel pour la création d’emplois difficilement délocalisables tout en luttant contre les problématiques liées au travail détaché : jusqu’à 50 000 emplois pourraient être créés dans le secteur.
Ces transformations demandent « une révolution culturelle », selon les mots des auteurs. Pour cela il faut redécouvrir le « patrimoine qui nous entoure » et « rectifier l’image erronée que nous avons reçue sur les matériaux comme la terre ou la paille, sortir des idées préconçues », et notamment se défaire de l’idée selon laquelle ces matériaux ne permettent pas des constructions de qualité. Le changement demande également une valorisation des métiers de l’artisanat et de la création, contrairement aux métiers industriels. Bref, des leviers importants pour soutenir l’économie locale et encourager une filière plus écologique. Reste à savoir si les élus prêteront une oreille attentive à ces arguments.
Le manuel peut être téléchargé gratuitement en ligne. Il est également disponible en format papier aux Éditions Bruno Leprince. B comme BTP : Bois Terre Paille, Bruno Leprince, 2018, 50 pp. ISBN : 9782364881419, 4 €.
* moins de 5 % du sable disponible au monde est approprié aux besoins du bâtiment.
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