En ville, la sensation d’oppression face aux grands building et aux routes asphaltées est certaine. Manque d’air, d’espace, de verdure… les centres urbains aseptisés ne semblent pas toujours conçus pour l’apaisement. Existe-t-il alors une corrélation entre la visite régulière d’espaces verts et notre santé mentale ?
Plus de la moitié de la population mondiale vit actuellement dans des centres urbains. D’ici 2030, estime l’Organisation des Nations-Unies (ONU), ce chiffre atteindra 60% de la population mondiale, alors qu’une personne sur trois vivra dans une ville de plus d’un demi-million d’habitants. Pourtant, de plus en plus de recherches suggèrent que le manque d’accès à la nature a un impact néfaste sur la santé physique et mentale des citadins.
Des chercheurs de l’Institut finlandais pour la santé et le bien-être basé à Helsinki ont interrogé des milliers d’urbains sur leur consommation médicamenteuse et leur environnement quotidien. Résultat ? Les visites fréquentes d’espaces verts sont associées à une utilisation jusqu’à trois fois moins fréquente de médicaments psychotropes, antihypertenseurs et contre l’asthme en milieu urbain.
En ville, nature rime-t-elle avec santé ?
Bien qu’elles se soient multipliées ces dernières années, mettant notamment en évidence l’effet bénéfique des environnements naturels sur la santé mentale, cardiovasculaire et respiratoire, les études scientifiques qui se sont penchées sur la question révèlent toutefois des preuves incohérentes ou suggestives.
« En plus de certaines associations positives, l’exposition à différents types d’espaces verts a ainsi été associée à des effets néfastes », explique l’équipe de chercheurs du Département de la sécurité sanitaire de l’Institut finlandais pour la santé et le bien-être, « comme les propensions à l’asthme ». Concernant l’exposition à l’ « espace bleu », c’est-à-dire à la mer, aux rivières ou aux lacs, « une revue d’études principalement transversales suggère une association entre l’exposition à l’espace bleu et le bien-être mental, tandis que les preuves concernant la santé cardiovasculaire sont plus limitées ».
Ces résultats parfois incohérents, qui proviennent entre autre des différentes conceptions à l’origine des études, des caractéristiques des espaces verts ou encore des traits culturels et socio-économiques des individus interrogés, laissent planer le doute quant aux véritables bienfaits des îlots de nature dans les centres urbains. Malgré tout, « il existe des voies plausibles qui peuvent expliquer les effets bénéfiques potentiels de l’exposition à la nature sur la santé et le bien-être physique et mental, comme une activité physique accrue, une réduction du stress, une cohésion sociale et des réactions immunologiques bénéfiques », souligne les chercheurs, « mais ces mécanismes et leurs liens ne sont pas encore entièrement compris ».
Mesurer l’impact de la nature sur des problématiques de santé publique
C’est dans cette optique qu’Anu W Turunen et Jaana Halonen ont souhaité, au côté de leur équipe, apporter leur pierre à l’édifice. Leur étude, menée sur 7 321 habitants de la région d’Helsinki (le plus gros centre urbain de Finlande), avait pour objectif de déterminer si la quantité d’espaces verts et bleus résidentiels, la fréquence des visites d’espaces verts et les vues vertes ou bleues depuis le domicile étaient corrélées à la prise de médicaments psychotropes (anxiolytiques, hypnotiques et antidépresseurs), d’antihypertenseurs et contre l’asthme.
« Ces groupes de médicaments ont été choisis parce que les problèmes de santé mentale, l’insomnie, l’hypertension et l’asthme sont des groupes de maladies majeurs du point de vue de la santé publique, et que les informations sur la relation entre l’exposition à la nature et l’asthme font défaut », expliquent les chercheurs.
D’autres indicateurs, tels que les comportements individuels en matière de santé, la pollution de l’air extérieur liée à la circulation, le bruit environnant ou encore la statut socio-économique des personnes interrogées, ont été pris en compte afin de mesurer leur effet modificateur potentiel.
Des corrélations pas toujours évidentes
Après avoir analysé leurs données, les scientifiques font une découverte étonnante : les quantité d’espaces verts et bleus résidentiels ou les vues vertes et bleues depuis la maison ne semblent pas être associées au taux de consommation des médicaments étudiés. Autrement dit, il ne serait pas nécessaire de disposer d’un grand jardin ou d’une vue-mer pour garantir une bonne santé mentale ! Cependant, la fréquence des visites dans les espaces verts tels que le parcs, les zones humides, les forêts, prés, cimetières ou les zoos, était sans nul doute associée à une probabilité plus faible d’utiliser des médicaments psychotropes, des antihypertenseurs et contre l’asthme.
Concrètement, comparativement à moins d’une visite hebdomadaire, une visite trois à quatre fois par semaine était associée à une probabilité inférieure de 33 % d’utiliser des médicaments pour la santé mentale, une probabilité inférieure de 36 % d’utiliser des médicaments contre l’hypertension et une probabilité inférieure de 26 % d’utiliser des médicaments contre l’asthme.
A fortiori, une fréquence accrue (au moins cinq fois par semaine) de visites d’espaces verts était corrélée à une probabilité encore plus faible d’avoir besoin de médicaments contre l’hypertension, avec une probabilité 41 % inférieure à celle d’une personne visitant moins d’une fois par semaine une zone naturelle.
Sortez de chez vous !
En conclusion, l’étude publiée dans la revue médicale BMJ assure que « la fréquence des visites dans les espaces verts était le seul type d’exposition à la nature présentant une association inverse avec la consommation de médicaments. Cette conclusion est conforme aux preuves provisoires soulignant l’importance de l’utilisation réelle des espaces verts par rapport à la santé mentale et suggère qu’il en va de même pour d’autres problèmes de santé, tels que l’asthme et l’hypertension ».
Il semble donc primordial de ne pas se contenter d’observer la nature depuis sa fenêtre, mais bien d’y pénétrer plus longuement, à l’occasion d’une promenade en forêt ou d’un pic-nique sur les rives d’une rivière par exemple. Ainsi, « une simple quantité d’espace vert accessible ne suffit pas, car elle n’indique pas nécessairement une interaction réelle entre l’individu et son environnement ».
Des limites persistent
Si les résultats de cette étude convainc des effets bénéfiques des espaces verts et bleus pour la santé physique et mentale des citadins, une limite majeure persiste sans davantage de données temporelles : « il est possible que les résultats reflètent le fait qu’une meilleure santé permet à une personne de passer plus de temps à l’extérieur », reconnait l’équipe de chercheurs, qui souligne également que la consommation de médicaments n’est pas un indicateur parfait de l’état de santé des personnes interrogées.
L’indice de masse corporelle (IMC) des répondants expliquait également en partie les résultats récoltés, puisqu’une personne plus mince aura davantage les moyens physiques de se déplacer et aura plus de chance de demeurer en bonne santé qu’une personne en surpoids.
Espaces verts en ville : des effets bénéfiques multiples
Toutefois, les chercheurs estiment que ces preuves scientifiques croissantes soutenant les bienfaits pour la santé de l’exposition à la nature « sont susceptibles d’augmenter l’offre d’espaces verts de haute qualité dans les environnements urbains et de promouvoir leur utilisation active ».
En d’autres mots, la mise en place ou la sauvegarde des tels espaces, au delà de s’inscrire dans une démarche environnementale destinée à rendre les villes plus résiliantes face au réchauffement climatique, pourrait également être « être une façon d’améliorer la santé et le bien-être dans les villes » du monde entier.
– L.A.
Photo de couverture de Mārtiņš Zemlickis sur Unsplash