Chassés de leurs terres ancestrales par le gouvernement brésilien, le peuple Guarani supporte depuis plusieurs siècles la violence coloniale et l’expropriation de ses terres à des fins agricoles et industrielles. Accablé par les expulsions, le peuple indigène rencontrerait aujourd’hui le taux de suicide le plus élevé au monde. Afin de défendre ses droits, un grand dirigeant Guarani a décidé d’opérer une tournée en Europe, et de sensibiliser les consciences étrangères à la cause de son groupe.

Chassés de leurs terres ancestrales

Vivant depuis plus de 2000 ans sur les terres de l’état du Mato Grosso do Sul, au sud du Brésil, le peuple indigène des Guarani est confronté depuis de très nombreuses années à la violence et à l’hostilité. Victimes de la colonisation portugaise, puis des grands exploitants agricoles, les Guaranis se battent sans relâche pour pouvoir conserver les terres de leurs ancêtres, très convoitées en raison de leur rentabilité agricole élevée. Particulièrement touchée par les expropriations, la tribu brésilienne des Guarani-Kaiowá, qui compte près de 60 000 âmes, subit l’acharnement des grands industriels et l’absence de soutien de la part du gouvernement brésilien.

Aujourd’hui, ce peuple indigène ne sait plus quoi faire pour faire entendre sa voix et conserver son patrimoine territorial et culturel, et fait face à une misère terrible qui les voit relégués aux périphéries, dans des refuges de fortune. Ils vivent au milieu de grandes exploitations agro-industrielles, et leurs terres ont été petit à petit transformées et réquisitionnées pour la culture du soja ou de la canne à sucre, deux denrées qui servent les exportations du pays. La canne à sucre est notamment utilisée pour la production de biocarburant alors que le soja est principalement utilisé pour nourrir le bétail des élevages industriels. Ces cultures intensives impactent directement la qualité de vie des Guarani-Kaiowá, qui voient leurs ressources en eau polluées.

Incapables de survivre en laissant derrière eux la terre de leurs ancêtres, les Guarani-Kaiowá subissent un taux très élevé de suicides, directement corrélé aux expropriations et aux violences auxquelles ils font face. D’après une étude sortie en 2014, la tribu indigène aurait le taux de suicide au sein de sa population le plus élevé au monde, avec 232 suicides pour 100 000 individus. En 2013, 72 Guaranis se seraient suicidés. La majorité d’entre eux était âgée de 15 à 30 ans. Les affrontements avec les autorités et les grands exploitants sont aussi à l’origine de nombreux meurtres perpétrés à l’encontre des chefs de la rébellion Guarani. En 2015, 36 indigènes auraient ainsi perdu la vie.

La responsabilité du gouvernement brésilien

Inscrite depuis 1988 dans la Constitution brésilienne, la démarcation du territoire Guarani n’a toujours pas eu lieu. L’immobilisme des différents gouvernements brésilien témoigne de l’absence de considération pour le sort de la tribu. Interrogé par Survival, mouvement mondial pour les droits des peuples indigènes, un Guarani aurait affirmé : « Nous n’avons pas d’avenir, nous ne sommes pas traités avec respect, il n’y a pas d’emplois pour nous et il n’y a pas de terre où nous pouvons cultiver et vivre. Ils [les Guarani] choisissent de mourir parce qu’en fait, ils sont déjà morts à l’intérieur. »

Alors que ce peuple continue aujourd’hui de manifester pour le respect de ses droits et de son héritage, le Congrès brésilien hésite à transférer la responsabilité de la démarcation de son territoire au Parlement. Une décision qui jouerait en la défaveur du peuple indigène, du fait notamment de la proximité du Parlement brésilien et des grands exploitants. En effet, l’association Amis des Sans Terre du Brésil, qui nous a interpellés sur le sujet, nous révèle que sur les 594 membres de ce Parlement, ce serait pas moins de 207 parlementaires qui seraient des représentants directs de la très grande industrie agricole.

En outre, en janvier 2017, le gouvernement de Michel Temer a fait passer un décret qui altère les règles de démarcation des terres indigènes et autorise le département de la justice à geler les processus de délimitation en cours afin de revoir la validité des terres déjà démarquées.

Source : un membre du clan Guarani arrêté par la police en 2012 / AFP

Une tournée européenne pour interpeller

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Afin de sensibiliser les consciences européennes au sort peu connu du peuple Guarani, un chef de la tribu a décidé de partir en tournée en Europe pendant trois mois. Ladio Verón est ainsi arrivé il y a une dizaine de jours en Espagne, avec la ferme intention de dénoncer l’extermination de son peuple. Fils du leader indigène Marcos Verón assassiné en 2003, Ladio Verón a confié au site espagnol ABC : « «Nous subissons la faim, nous n’avons pas d’eau potable ni de bois de chauffage, nous vivons agglutinés sur le bord de la route, sous des bâches noires, nous y mourrons de chaud. »

Menacé de mort dans son pays, le chef indigène compte bien mettre à profit ces trois mois en Europe pour faire valoir les droits des Guarani. Pour ce faire, une visite au Parlement européen a été programmée. L’hexagone, quant à lui, verra l’arrivée du chef indigène le 20 mai prochain, où il devrait rencontrer les membres de l’association Amis des Sans Terre du Brésil. En tout, on estime à 380 le nombre de leaders indigènes victimes de la répression et des assassinats perpétrés par des groupes de sécurité privée mandatés par les grands dirigeants brésiliens… Il est plus que temps de mettre fin à ce massacre, perpétré au nom de la rentabilité économique et de la cupidité d’une industrie agro-alimentaire devenue inhumaine.

Source : Santiago Manso / Flickr

Sources : Amisdessansterre.blogspot.fr / ABC.es / Survivalinternational.fr

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