Partout dans le monde, 93% des enfants âgés de moins de 15 ans respirent un air si pollué que leur santé et leur développement sont gravement menacés. Ces quelques 1,8 milliard d’individus payent le prix fort de la pollution engendrée par notre modèle de société. Confrontée directement à ce phénomène, une délégation de mères du monde entier s’est d’ailleurs présentée au Président de la COP26, Alok Sharma, pour exiger la fin du financement des énergies fossiles désignées comme principales responsables. Appuyant leur propos, l’UNICEF publie un rapport sur les conséquences néfastes des expositions toxiques pour les plus jeunes. Experts et citoyens dénoncent ainsi l’inégalité du phénomène : si la pollution de l’air touche quasiment chacun d’entre nous sur la planète, certains sont tributaires d’un statut physique, économique ou social qui les rend encore davantage vulnérables aux conséquences de la pollution atmosphérique et les condamne à des problèmes de santé majeurs tout au long de leur vie.
« La pollution de l’air empoisonne des millions d’enfants et détruit leur vie », prévient l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui estime qu’en 2016, 600 000 enfants sont décédés d’infections aiguës des voies respiratoires inférieures dues à la pollution atmosphérique. Et pour cause : les enfants sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes des toxines présentes dans leur environnement. Non seulement ils respirent en moyenne plus vite qu’un adulte, mais évoluent aussi à une moindre distance du sol, où certains polluants atteignent des concentrations record. Leur petite taille conduit également à une concentration plus importante des toxines dans leurs corps à un moment où leurs organes sont en plein développement et donc plus sensibles.
L’OMS déclare ainsi en 2018 que plus de 90% des enfants respirent tous les jours un air dangereusement pollué pour leur santé. Cette exposition des plus jeunes à la pollution de l’air extérieur s’explique notamment par une forte prédominance des modes de vie urbains. Dans les villes, en particulier les plus densément peuplées, les sources d’émission de polluants atmosphériques se cumulent bien souvent entre trafic routier, pollution des habitats et secteur industriel. Plus généralement, la combustion des énergies fossiles est désignée comme la principale responsable puisqu’elle libère dans l’air non seulement du dioxyde de carbone (CO2) en grande quantité, mais également des oxydes d’azote (NOx) et de nombreuses particules fines (PM2.52).
« Ils tuent nos enfants »
Afin d’alerter les pouvoirs politiques, une délégation regroupant plus de 500 groupes de parents du monde entier a rencontré Alok Sharma, Président de la COP26, ce vendredi 5 novembre dans le cadre des négociations internationales sur le climat. Etant parents d’enfants souffrant de dommages sanitaires liés à la pollution de l’air, ces quelques centaines de personnes exigeaient des dirigeants une mesure forte : la fin du financement des énergies fossiles. La meneuse londonienne de la délégation, Rosamund Adoo-Kissi-Debrah, a également témoigné de la perte de sa fille de neuf ans due à un asthme sévère officiellement lié à la pollution de l’air. Elle a été rejointe par le Dr Maria Neira, directrice de la santé publique à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et d’autres mères d’Inde, du Brésil, d’Afrique du Sud, de Pologne et du Nigéria, pour remettre un courrier à Alok Sharma.
D’autres experts se joignent également à ce cri d’alarme pour mieux protéger les enfants et faire de la lutte contre la pollution de l’air un véritable enjeu de société. UNICEF France a ainsi publié un rapport nommé « de l’injustice sociale dans l’air » qui met en évidence les effets nocifs de la pollution de l’air sur la santé des plus jeunes français. L’organisation qui se joint à Réseau Action Climat pour cette publication analyse également l’impact de la pauvreté sur l’exposition et la vulnérabilité des enfants à la pollution de l’air. « En France, plus de trois enfants sur quatre respirent un air pollué. Cette pollution a des impacts différenciés en fonction du niveau socio-économique des enfants et de leurs parents, pourtant peu de politiques publiques prennent véritablement en compte cette double vulnérabilité », regrette-t-elle.
Quand inégalité climatique rime avec inégalité sociale
Sur le territoire français, la principale source d’émission de pollution atmosphérique reste le trafic routier qui peine particulièrement à réduire ses émissions. A lui seul, il est ainsi responsable de 63% des émissions d’oxydes d’azote (NOx) et de 18% des émissions de particules fines PM2.52 d’après le rapport. Ces tendances sont encore plus importantes dans les grandes villes et notamment aux abords des axes routiers majeurs, comme à Paris où le trafic routier est responsable de 58% des émissions de PM2.53. Ces multiples expositions peuvent entraîner diverses pathologies : problèmes respiratoires et immunitaires, diabète, obésité ou encore dépression. La prévalence de l’asthme chez les enfants a également augmenté de 12% entre 2005 et 2012.
Si les individus les plus jeunes sont donc, nous l’aurons compris, plus sensibles aux effets de la pollution de manière générale, leur vulnérabilité s’accroit lorsqu’ils grandissent dans un contexte socio-économique défavorable. Ce phénomène s’explique par plusieurs facteurs : un moins bon état de santé général, un moindre accès aux soins de santé, un environnement plus exposé (axes routiers) et moins d’espaces verts à disposition, une surexposition aux pollution lors des 1000 premiers jours de vie de l’enfant,… De plus, les populations pauvres peuvent plus difficilement se soustraire à des conditions défavorables faute de ressources suffisantes, elles sont donc généralement davantage exposées à la dégradation de la qualité des milieux de vie (qualité de l’air intérieur dégradée et moins bonne isolation des logements, plus forte exposition au bruit…). « Les enfants pauvres sont ainsi victimes d’une double peine : ils sont plus vulnérables à la pollution de l’air en tant qu’enfant et cette vulnérabilité est exacerbée par leur statut socio-économique et celui de leurs parents », décrypte le rapport de l’organisation de protection de l’enfance.
En France ou ailleurs dans le monde, les enfants sont donc sans conteste les premières victimes de la pollution atmosphérique due principalement aux activités humaines. A cela s’ajoute l’implacable inégalité sociale et économique, plongeant ainsi les plus fragiles dans un contexte encore davantage défavorable à leur vie et leur survie. Experts et citoyens s’accordent sans réserve sur l’urgence d’initier des politiques ambitieuses pour drastiquement réduire les toxines présentes dans l’air et protéger les jeunes générations. Mais au delà, il faudra également s’assurer qu’une distribution équitable des bénéfices sanitaires soit l’un des objectifs prioritaires des politiques de lutte contre la pollution de l’air.
L.A.
Crédit photo : @Taylor Brandon/Unsplash