C’est l’une des demandes formulées par les « gilets jaunes » qui revient le plus fréquemment dans les discussions et les revendications les plus virales : la mise en place d’un RIC, entendez : Referendum d’Initiative Citoyen. Nous vous expliquons son fonctionnement en quoi il se distingue de ce qui existe déjà dans le droit français.
Si l’on peut tirer un enseignement des semaines passées, c’est la volonté d’une grande partie de la population d’être écoutée et de pouvoir prendre part plus régulièrement aux décisions politiques. Finie la démocratie représentative où la relation du citoyen à la politique se résume au fait d’aller placer un papier dans une urne tous les cinq ans : les gilets jaunes ont exprimé leur envie d’avoir voix au chapitre et de pouvoir choisir sur des thèmes concernant la vie politique générale du pays ou des problématiques plus précises, locales ou nationales. Leur outil revendiqué, le RIC, expliqué par des tracts qui circulent sur les réseaux sociaux. Bientôt un regain de démocratie en France ?
Un referendum Abrogatoire, Constituant, Législatif et Révocatoire
Mais de quoi s’agit-il exactement ? Le principe du Referendum d’Initiative Citoyen est simple : il consiste à permettre à un groupe de citoyens et de citoyennes de créer une pétition sur un sujet sur lequel ils souhaitent faire voter l’ensemble de la population nationale. Si le seuil atteint un nombre minimum de signatures selon un seuil défini par les textes, l’exécutif est obligé de convoquer un referendum. Il est alors tenu par l’issu du vote et ne dispose pas de pouvoir discrétionnaire pour passer outre le résultat. Contrairement à ce que disent les critiques, il ne sera donc pas possible de créer des lois pour et n’importe quoi. Les partisans du RIC estiment que l’outil pourrait renforcer la démocratie, notamment en obligeant les élus à tenir leurs engagements, en permettant de lutter contre la corruption ou en prolongeant le débat démocratique. Le vote permet de sanctionner une promesse non tenue, mais aussi d’encourager la concertation au-delà des élections politiques.
Depuis que l’idée a émergé dans le débat public ces derniers jours, elle a été rapidement précisée. Le RIC a rapidement été étendu en RICACLR, ce qui signifie Referendum d’Initiative Citoyen Abrogatoire, Constituant, Législatif et Révocatoire. L’idée est d’étendre au maximum le pouvoir d’intervention citoyen, offrant l’opportunité de réclamer une nouvelle loi ou d’exiger la suppression d’un texte, de modifier la constitution ainsi que de contraindre un ou une élue au départ. Il serait même possible d’aller plus loin et donner la possibilité de s’exprimer sur les traités internationaux (ce qui peut être fait aujourd’hui à la l’initiative de l’exécutif, mais pas de la population). À noter que des propositions allant dans ce sens se trouvaient dans les programmes présidentiels de Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen en 2017.
Un renouveau du rapport des citoyens à la politique ?
Allant encore plus loin, les auteurs de la demande s’inspirent de ce qui se fait aujourd’hui en Suisse, où il existe un droit d’initiative populaire au niveau fédéral qui permet de demander une modification de la Constitution du pays. Son champ d’application est donc plus restreint que ce qui est réclamé par les partisans du RICACLR. Pour que la « votation populaire » ait lieu, 100.000 citoyens et citoyennes disposant du droit de vote doivent en faire la demande. Indépendamment de l’issue de la collecte de signature, le mécanisme suscite des débats publics sur des questions qui ne sont parfois pas traitées.
Aujourd’hui, en France, les raisons d’invoquer un referendum sont limitées par la Constitution et restent à l’initiative des pouvoirs élus. À l’échelle nationale, la révision de la Constitution, la ratification d’un traité international ou l’adoption d’un projet de loi sur l’organisation des pouvoirs publics peuvent justifier un tel vote. Des consultations locales ou en matière environnementale sont également prévues. Le referendum d’initiative partagée, prévu par l’article 11 de la Consultation, permet à 185 députés ou sénateurs et un dixième des électeurs (soit 4,5 millions de personnes) de faire une proposition de loi (qui ne peut revenir sur une loi votée il y a moins d’un an). Le nombre d’électeurs nécessaire – un dixième du corps électoral – est tellement important qu’il réduit quasiment à zéro l’utilisation de cet outil. Les institutions françaises actuelles bloquent donc toute mise en application du RIC. D’où la nécessité d’un changement structurel profond vers davantage de démocratie participative.
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Les appels répétés à mettre en place un RIC, dont le seuil des signatures pourrait être fixé à 700 000 selon les principales demandes, montrent l’envie de la population de se ressaisir de la politique. L’un des risques de ces referendums reste néanmoins qu’ils peuvent être utilisés dans des situations où l’opinion publique est facilement manipulable, comme c’est le cas après des attentats ou autres évènements fortement émotifs. Pour certains, c’est le risque de voir le retour de la peine de mort ou l’interdiction de l’avortement. Les limites de l’outil doivent donc être pensées avec précaution.
Cependant, la démocratie étant évolutive par définition, rien n’empêche de mettre en place des conditions pour encadrer ces risques. Comme en Suisse, proposer une loi à la population ne se fait jamais dans la précipitation et hors débat. Le processus démocratique prend du temps et la population reçoit de la documentation plurielle pour se forger un avis éclairé. On peut également se demander si ces risques sont plus ou moins importants que de laisser les choses dans leur état actuel, avec une colère de plus en plus manifeste et le risque réel de voir la démocratie nous échapper au profit du diktat d’un seul parti au pouvoir.
Car il est important de rappeler que le grand enjeu du Referendum d’Initiative Citoyen Abrogatoire, Constituant, Législatif et Révocatoire, ce tournant démocratique tant attendu, c’est celui de replacer les citoyens au cœur de la « cité », repolitiser les cœurs et surtout placer le peuple face à ses propres responsabilités et conséquences de ses décisions, soient-elles progressives, réactionnaires, sociales, populistes… Et à ce titre, un RIC efficace sera nécessairement le corollaire inévitable de l’accès à l’éducation dudit peuple, de son ouverture à la culture, à la perception du grand tableau. On réalise pleinement à la lecture de ces mots que le système économique actuel, qui place le divertissement de masse, la consommation et le paraître au cœur de notre culture, ne prépare personne à une telle démocratie.
Reste une question : les autorités vont-elles arriver à étouffer cette volonté d’instaurer un RIC en France ? Le peuple est-il prêt pour une démocratie participative et active ?
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