Fin novembre, Greenpeace dévoilait son nouveau rapport sur les stratégies de communication douteuses employées par le secteur de la viande à travers l’Europe. Pour ce faire, l’organisation de protection de l’environnement a sollicité sept sémioticiens professionnels, spécialistes de l’étude des signes, des symboles et de leur signification, pour décoder les messages publicitaires de pas moins de 51 marques ou organisations professionnelles de la viande. Leur constat est clair : l’industrie carnée use de tous les artifices du marketing pour influencer les mentalités, notamment celles de cibles les plus vulnérables tels que les enfants. Alors même que chaque Européen dévore en moyenne 82 kg de viande par an, le secteur développe différents stratagèmes pour encore augmenter la dose, au grand détriment de la santé du consommateur et de celle de la planète.
C’est le 29 novembre dernier que Greenpeace dévoilait son tout nouveau rapport au nom très évocateur : « Haché menu : ce que cache la publicité pour la viande ».
Basé sur l’étude des stratégies de communication de 51 marques de viande, les résultats de cette recherche menée dans six pays européens (France, Allemagne, Danemark, Suisse, Espagne et Pologne) sont sans appel : derrière le fantasme soigneusement construit que l’industrie de la viande nous vend se cache une réalité bien moins appétissante.
Notre consommation de viande est une aberration écologique
Alors que des messages publicitaires enjôleurs nous proposent toujours plus de produits carnés, la consommation croissante de viande dans le monde continue d’alimenter la crise climatique.
La production d’aliments d’origine animale (dont l’alimentation destinée à ces animaux d’élevage) représente ainsi 19 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Par rapport à la production d’aliments d’origine végétale, l’élevage a des conséquences climatiques disproportionnées, totalisant à lui seul près de 60 % des gaz à effet de serre issus de la production de denrées alimentaires dans le monde.
Pendant ce temps dans une réalité parallèle, le monde merveilleux du marketing pour la viande où « les enfants croquent des knackis à belles dents, de « vrais » hommes dévorent de la viande rouge tandis que les femmes mangent de la volaille en tranches fines pour rester en bonne santé » continue de faire rêver.
Les animaux d’élevage y sont élevés en plein air dans de verdoyants pâturages et des fermes idylliques où la couleur verte domine. Bref, le paradis à portée de fourchette. Pour l’association écologiste, il était grand temps de décortiquer un à un les mythes structurels qui encouragent la consommation de viande partout en Europe, au détriment de la santé du consommateur et de la planète.
Les 7 mythes que nous sert l’industrie de la viande
Car au delà de l’utilisation de codes particuliers pour redorer le blason de la viande, des marques comme Bigard, Charal, Le Gaulois, Madrange, Herta, Fleury Michon ou encore le Label Rouge, pour certains à l’origine de scandales sanitaires et de maltraitance animale, continuent de renforcer les mêmes messages subliminaux valorisants :
– la viande ferait partie de la solution à la crise climatique mais pas du problème ;
– la viande serait bonne pour votre santé ;
– manger de la viande (rouge) ferait de vous un homme ;
– une bonne épouse et mère prépare et sert de la viande à sa famille ;
– manger de la viande serait un acte patriotique ;
– manger de la viande rapprocherait les gens ;
– et enfin manger de la viande serait une question de liberté, de choix et d’individualité.
De fait, chaque nouvelle publicité viendra donc inlassablement renforcer ces « sept mythes autour de la viande » et ainsi « exploiter le besoin qu’ont les consommateurs et consommatrices d’être acceptés, accomplis, aimés, respectés et, au final, de se sentir bien », selon les sémioticiens volontaires pour mener cette étude.
Pour illustrer leurs dires, les auteurs du rapport pointent du doigt la publicité de Charal “Shake your booty”. Dans celle-ci, un embryon danse dans le ventre de sa mère qui mange un steak. Pour être une bonne mère et faire grandir un bébé en bonne santé qui “vive fort”, il faudrait ainsi consommer de la viande.
Autre exemple : le nom même de la marque Le Gaulois. Il renforce l’idée qu’il s’agit de la marque nationale de volaille. Dans l’une de ses publicités, un homme plante un drapeau français dans un blanc de poulet, évoquant la victoire révolutionnaire, l’égalité et la liberté. Rejeter la viande en général, et la volaille en particulier, reviendrait alors à rejeter le fait même d’être français… Dans les faits, les coulisses de la marque sont pourtant bien loin de cette vision affichée.
Greenpeace exige des mesures fortes pour notre santé et celle de la planète
Selon Alex Bogusky, membre fondateur de la campagne anti-tabac Truth qui signe la préface de ce rapport :
« quand la production de viande augmente mais que sa qualité baisse, des stratégies de communication bien aiguisées sont nécessaires. Rien de plus efficace alors que de reprendre les recettes éprouvées de l’industrie du tabac, avec des ingrédients comme la liberté de choix, la fierté nationale, le lien social ou encore les idéaux masculins ».
Fort de ces différents constats, Greenpeace appelle donc à mettre fin au financement public de toute communication visant à promouvoir et à augmenter la consommation de viande et de produits laitiers. L’association demande par ailleurs à réorienter ces fonds vers la promotion de régimes alimentaires reposant davantage sur les protéines végétales.
Et l’Union européenne devrait être la première à franchir le pas quand on sait qu’elle a déboursé pas moins de 252,4 millions d’euros entre 2016 et 2020 pour faire la promotion des produits carnés et laitiers, soit 32% des 776,7 millions d’euros alloués à la promotion des produits agricoles dans l’UE et à l’étranger.
En outre, pour l’organisation de protection de l’environnement, il est également essentiel d’interdire : la publicité, le sponsoring et les publications des interprofessions et des industries de la viande dans les espaces publics et dans toute publication diffusée dans les institutions publiques ; comme par exemple, les outils pédagogiques scolaires :
« D’autres secteurs connus pour leurs conséquences néfastes sur la santé, tels que l’alcool, le tabac, la malbouffe ou le sucre, sont déjà réglementés pour éviter que les groupes vulnérables ne soient ciblés, que la surconsommation ne soit encouragée ou que la publicité ne contienne des messages trompeurs ou mensongers. En suivant le même raisonnement, il est temps de limiter le marketing et la publicité en faveur de la viande et des produits laitiers », conclut ainsi l’ONG.
L.A.
Pour voir le rapport complet de Greenpeace : https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2021/11/Rapport_Hache_Menu_Ce_que_cache_la_publicite_pour_la_viande_2.pdf
Pour aller plus loin sur le sujet de la viande :
- Végan ? 7 contre attaques pour survivre aux fêtes
- Le lobby de la viande utilise le flexitarisme dans une vaste campagne de propagande
- Étude : un seul jour sans viande a plus d’effets que de manger 100% local
- Enquêtes L214