Alors que les discours sur le CO2 prennent des airs, parfois bien nécessaires, de rengaines, un autre gaz pourrait bien nous créer encore plus de problèmes. Si depuis quelques mois, la chute des cours des énergies fossiles rend moins attractive l’exploitation difficile des ressources polaires, les glaces de l’océan Arctique fondent inévitablement, libérant un gaz naturel à l’impact plus élevé que le dioxyde de carbone.

Quand Shell Déserte l’Arctique

À la fin du mois de septembre 2015, après seulement quelques mois de pompage effectif, Shell a annoncé l’arrêt de l’exploitation du puits de Burger J. La Dutch Royal Petroleum envisage également d’arrêter ses opérations sur toute la mer de Tchouktches, pour un coût estimé à 4 milliards de dollars. L’amplitude du gisement ne justifierait pas les investissements massifs nécessaires au forage en eau profonde. Des béhémots marins s’attèlent déjà à démanteler les plateformes pétrolières abandonnées, faisant remonter à la surfaces des dizaines de millier de tonnes d’acier à l’aide de leur bras géants articulés. Tout prêt de ces « exploits » monstrueux, la banquise de l’Arctique expire lentement mais surement…

Ces géants qui traversent l’Arctique ne seront peut-être bientôt que des reliques cyclopéennes d’un monde passé et dépassé par son mode de vie. Cependant, la disparition des glaces risque de libérer de nouvelles ambitions. La diminution tendancielle du volume des glaces arctiques est désormais largement documentée, à telle point que certains prédisent pour 2016 le premier « océan bleu » où la calotte glacière serait passablement absente l’été. Dans son communiqué, Shell a estimé qu’elle continuera à l’avenir d’opérer dans la région. En effet, selon une récente étude américaine, les eaux du bassin arctique recèleraient une grande partie des réserves mondiales inexplorées de gaz naturel et de pétrole.

Exemple de méthane piégé dans la glace en Sibérie

Selon de nombreux commentateurs, une saison où l’Arctique serait libre de glace serait peut-être l’électrochoc nécessaire aux opinions publiques pour prendre enfin des décisions contraignantes envers ce viol de la nature. Néanmoins, après une fonte complète de la calotte, même saisonnière, il pourrait être déjà trop tard. Une autre ressource se cache sous les glaces et sa libération n’annonce rien de bon.

Un djinn sous la glace

La calotte glacière contient, en très grande quantité, des cristaux gazeux, les hydrates de méthane. Par un phénomène naturel, ce méthane contenu dans le pergélisol arctique est libéré de manière cyclique. Cependant, le processus est supposé se dérouler sur de longues périodes. Aujourd’hui, à chaque baisse record de volume des glaces, ces cristaux sont libérés dans l’atmosphère de manière anormalement rapide, alimentant le phénomène du réchauffement climatique. S’il est reconnu depuis plusieurs années comme un puissant gaz à effet de serre, le méthane est cantonné à un rôle secondaire, discrètement retranché derrière la dénomination générique « équivalent en CO2 ». Son effet est pourtant bien plus alarmant. L’impact du méthane sur le réchauffement climatique à court terme est dix à vingt fois plus important que celui du CO2.

arctique_methane3Photographie : Imagine China

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Par ailleurs, comme l’indique étude publiée dans Nature Geoscience, le Plateau continental sibérien se réchauffe et libère à son tour des quantités astronomiques de méthane. Alors que la région libérait 7 millions de tonnes de méthane sur l’année en 2010, ce chiffre aurait pratiquement doublé en cinq an. À ce bilan s’ajoutent des « fuites » d’origine humaine comme celle qui sévit en Californie depuis plusieurs mois. Ainsi, amorcé par l’activité humaine, l’Arctique deviendrait lui-même l’architecte de sa propre fonte. À chaque sudation de la glace, à chaque record des températures, la région exhale davantage de méthane, qui en retour va accélérer l’augmentation de température. Cette boucle de rétroaction est malheureusement exponentielle : une fois la calotte glacière entièrement fondue, le méthane aura été intégralement relâché. Certain nomme ce point culminant le point de non-retour climatique.

Le rejet des quantités astronomiques de méthane jusqu’ici retenu dans la glace ferait franchir un cap décisif au système climatique global, et ce de façon plus rapide qu’imaginé par les modèles : une augmentation de 4 à 6°C serait possible sur quelques dizaines d’année, voire quelques années seulement selon certains climatologues plus alarmistes que d’autres. Dans le même temps, 2015 fut récemment mesurée l’année la plus chaude de l’histoire humaine. Certains déclarent d’ores et déjà l’état d’urgence planétaire, là où d’autres, opportunistes, prospectent pour le tourisme de croisière dans la région. À n’en pas douter, l’aventure humaine ressemble parfois à un triste navet de série B. Comment cela va-t-il finir ?

arctique_methane2Photographie : Greenpeace.org


Sources : shell.usnews.bbc.co.ukcommondreams.orgslate.frmontereycountyweekly.comnature.com lefigaro.frlegrandsoir.info / arctic-news.blogspot.be / ameg.me / teoros.revues.orglesechos.frparismatch.com

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