Ceux qui ont grandi dans les années 80 n’ont pas pu manquer ces films à succès de l’époque, porteurs d’humanisme et faisant l’exposition assumée de valeurs comme la tolérance, l’égalité ou la fraternité… Pour les nostalgiques ou simplement pour occuper les fêtes avec intelligence et sensibilité, voici une sélection de quelques « vieux » films qui mettent du baume au cœur. (Archive août 2015, actualisée en 2022)
Comme tout art, le rôle du cinéma est de transmettre un sentiment, un message ou des valeurs. Vecteur important du soft-power, ou influence culturelle, les œuvres cinématographiques diffusent toujours plus ou moins volontairement des idées à travers le monde, parfois positives (tolérance, amour, vivre ensemble, éthique,…), parfois moins (militarisme, colonialisme, sexisme,…).
Or, il s’avère que dans l’univers des films grand public, il y a de quoi reprendre espoir en l’humanité. Plus facile à partager en famille ou entre amis venant de différents horizons, ces films sont l’occasion idéale de s’entendre sur l’essentiel et de renouer. Cette série tire donc principalement ses références de l’industrie du grand écran qui portent paradoxalement en elle des valeurs humaines, sociales, voire militantes.
« Le cinéma, c’est un œil ouvert sur le monde » – Joseph Bédier
Et quel paradoxe ! Pourquoi l’industrie du cinéma américain, dont l’image populaire est souvent plus proche du superficiel que du militantisme, transmettrait-il ce type de message ? En réalité, selon les producteurs et artistes, il y a une très grande variété de styles au cœur du 7eme Art, autant qu’il y a de styles de peintures. La période 1985-1995 fut cependant riche en films dont le message était résolument engagé, souvent même critiques envers certains aspects du capitalisme débridé qui divisait la société américaine. Si bien que la sphère la plus à droite (conservateurs) de la société critiquait vivement cet esprit Hollywoodien jugé alors « gauchiste » dans un monde où la réussite financière était, et est toujours, portée en étendard.
Aussi, dans les années 80, le riche, le financier, le vaniteux, est-il régulièrement ridiculisé dans le cinéma. C’est souvent même le personnage le plus susceptible de perdre la vie dans une situation parfaitement tragicomique. Cette quasi-tradition s’est rapidement atténuée à l’aube des années 2000 avec l’envolée des blockbusters misant leur réussite sur l’action en puissance, sauf exceptions bien sûr. Aujourd’hui, les films volontairement orientés vers des idées universalistes se font proportionnellement plus rares, souvent taxés d’être niais ou idéalistes, mais ils existent toujours. La chaîne Bolchegeek parle d’ailleurs mieux que personne de ces nuances, à travers une analyse de Jurassic Park (1993) :
La liste qui suit est donc bien sûr totalement subjective et non exhaustive. Il s’agit d’une sélection de classiques faciles à proposer pendant les fêtes et ayant un message à caractère humaniste, sans orientation partisane. Il ne s’agit que d’une invitation à se réunir autour de classiques souvent découverts dans l’insouciance de l’âge, mais libre à chacune et chacun de faire découvrir ses propres références dans le domaine.
1. Enemy (Enemy Mine) – Wolfgang Petersen (1985)
Sorti en 1985, Enemy Mine est précisément l’exemple type du film de fiction résolument porteur de valeurs humanistes. Produit par Wolfgang Petersen, l’auteur de L’Histoire sans fin (tout aussi brillant), ce film explore les rapports qui animent les différences culturelles extrêmes qui peuvent exister entre des individus d’origines différentes et les mécanismes de déconstruction des préjugés.
Concrètement, un être humain va se retrouver abandonné sur une planète désertique en compagnie d’un ennemi extraterrestre. Alors que tout les oppose, ils vont être contraints à s’entraider pour survivre. Les deux êtres vont devoir s’ouvrir à leurs religions réciproques, leurs cultures, leurs rêves… Véritable hymne à la tolérance, à la fraternité et à l’universalisme, Enemy Mine est un chef d’œuvre qui vient anticiper des questions éthiques que nos sociétés se posent à peine aujourd’hui.
2. La ligne verte (The Green Mile), Frank Darabont (1999)
Œuvre cinématographique magistrale adaptée du puissant roman de Stephen King et réalisé par Frank Darabont, La Ligne Verte est à ce jour considéré comme l’un des meilleurs films de tous les temps. Sortit en 1999, le long métrage continue encore aujourd’hui de bouleverser et de fasciner un large public à travers le monde. Nommé à l’Oscar du meilleur film en 2000, il nous invite à questionner le « droit » de donner la mort à un individu. Si la question est tranchée depuis longtemps en Europe, c’est loin d’être le cas aux USA et dans de très nombreux pays du monde où la peine de mort est encore pratiquée, parfois même pour des motifs politiques.
Savant mélange entre beauté et laideur, entre amour et haine, ou encore entre maladie et prospérité, La Ligne Verte est une grande fable humaniste, une ode à la vie, mais aussi un scrutateur explorant les plus bas instincts de l’espèce humaine.
Le film ne manque évidement pas de semer le doute quant à la pratique de la peine capitale et pose des questions cruciales : un état peut-il posséder le droit de vie ou de mort sur son peuple ? un système peut-il se dire civilisé quand il s’octroie le droit de donner la mort ? Le point de vue le plus pertinent consiste à se mettre dans la peau de celui qui doit donner concrètement la mort à d’autres personnes. Car se prétendre « pro peine de mort » est une réaction primitive et sentimentaliste le plus souvent face à un crime horrible, et La Ligne Verte explore justement l’impossibilité de rendre justice par un acte de barbarie bien plus difficile à appliquer qu’on ne se l’imagine. Le film met ainsi en lumière le non-sens profond de l’acte de donner la mort tout en prétendant sauvegarder la vie.
3. Cloud Atlas – Lana Wachowski, Tom Tykwer, Lily Wachowski (2013)
Adapté du roman éponyme de David Mitchell et réalisé par les sœurs Wachowski, à l’origine de la trilogie Matrix, Cloud Atlas flirte entre fiction et réalisme, voguant à travers cinq siècles d’Histoire des humains où la justice et l’obscurantisme se font la guerre sans relâche.
C’est un des rares films à traiter en une seule fois la question de l’esclavagisme, de l’homophobie, des lobbies industriels, de l’injustice sous toutes ses formes et plus particulièrement des forces naturelles, entre amour et haine, qui animent les Humains.
Le film autant que le livre nous apportent au moins deux grands enseignements :
D’abord, que lutter pour l’équité est un combat perpétuel de plusieurs générations. Nous ne sommes, en effet, jamais à l’abri de sombrer dans une « corpocratie » totalitaire, si ce n’est déjà le cas, où tant de luttes pour les Droits de l’Homme seraient balayées du revers de la main.
Ensuite, le film nous indique que quelles que soient les époques, il existe des structures, des institutions et des êtres humains qui alimentent, par intérêt privé, la doxa dominante, même au détriment de la vérité ou de l’équité. Cependant, en rappelant qu’il a tout de même été possible, en certains endroits du monde, d’en finir avec le ségrégationnisme, la haine envers les homosexuels (loin d’avoir disparue dans notre monde) et la soumission des femmes (de même), Cloud Atlas nous indique que l’espoir en un avenir serein est autorisé, mais qu’il faut se « battre » pour le créer.
4. Le cercle des poètes disparus (Dead Poets Society) – Peter Weir (1989)
Probablement l’un des films ayant le plus inspiré la génération Y. Ce film, c’est l’histoire d’une lutte éternelle contre la rigueur du conservatisme. Un professeur aux idées résolument progressistes intègre l’académie Welton en 1959, une institution austère où le droit à exprimer sa différence n’est pas au goût de tous.
Cet homme inspirant, joué par le très bon et regretté Robin William, au delà de son amour pour la culture, réalise un plaidoyer saisissant pour l’anticonformisme. Le cercle des poètes disparus explore également ces dimensions intimes et symboliques qui font que la vie vaut la peine d’être vécue, donnant très justement un aspect poétique et profond à l’existence. « O captain my captain montre moi comment être moi-même. »
Succès massif, le film fera 6,5 millions d’entrées en France et décrochera entre autres le César du meilleur film étranger, le BAFTA du meilleur film et l’Oscar du meilleur scénario.
5. Princesse Mononoke (もののけ姫) – Hayao Miyazaki 1997
Sorti en 1997, Mononoké clôture les années 90 avec des valeurs humanistes et écologistes puissantes. Le film du génie Miyazaki est alors produit par le studio Ghibli et marque toute une génération par des scènes extrêmement matures et subtiles autour de la question de la coexistence, du progrès, du respect de l’autre et du courage.
Mononoké signifie « esprit vengeur » en japonais. La jeune fille forte est la représentante d’une nature indomptable et fière. Du côté des dieux de la forêt et des loups qui l’ont élevée, elle résiste à l’expansion des forges polluantes de Dame Eboshi, à la tête de la cité industrielle et armée.
Comme souvent dans les films d’animations de Miyazaki, les personnages ne sont pas manichéens : Dame Eboshi est solidaire de la misère humaine. Elle recueille et donne un travail à des communautés de femmes autrefois prostituées dont la société ne veut plus, ainsi qu’à des lépreux. Mais aveuglée par la recherche de puissance et de croissance, elle se donne pour mission de tuer le Dieu-cerf et de rapporter sa tête à l’Empereur. Elle est l’incarnation de la conquête du pouvoir au sacrifice de la nature : chasse, déforestation, pollution, exploitations. Au milieu du conflit qui oppose ces deux symboles se dresse le guerrier Ashitaka. Blessé au bras par un sanglier démoniaque, il veut comprendre ce qui a corrompu l’animal : à dos de son fidèle Yakuru, il prône la paix, la tempérance, et souhaite renouer avec la nature.
Princesse Mononoké est un puits sans fond de philosophie sur notre humanité et notre cohabitation entre vivants, en plus de proposer une animation exceptionnelle.
6. Edward aux mains d’argent (Edward Scissorhands) – Tim Burton, 1990
Considéré par beaucoup comme le meilleur film de Tim Burton, Edward aux mains d’argent est un conte fantastique explorant l’histoire d’une machine humanoïde inachevée, créée par un vieux inventeur un peu fou dont le rêve était de donner un cœur à sa création. Cette machine incomplète, dont des ciseaux remplacent les mains, c’est Edward. Symbole de l’innocence, celui-ci a des sentiments et fait vite face à l’inconstance et à la bêtise des habitants de la petite ville ultra-colorée que surplombe le château de son créateur. Edward, c’est l’exploration de la différence, de la profondeur d’âme et de la bonté naïve.
Contée sous la sublime musique de Elfman, Edward aux mains d’argent est une hymne à la marginalité qui proclame son droit d’exister. Le fait de l’illustrer sous forme d’une machine est d’autant plus symbolique qu’Edward semble développer plus de sentiments et d’humanité que ceux qui le haïssent pour sa différence. Vous vous sentez différent ? Vous représentez une minorité ? Un style ou une opinion s’écartant des croyances populaires et de la Doxa ? Alors peut-être y a-t-il un peu d’Edward en vous…
7. Captain Fantastic, Matt Ross
Captain Fantastic est un film aussi profond que poétique sur le modèle dans lequel nous vivons et notre capacité à en sortir. Un film de 2016, mais intemporel, et signé Matt Ross. Nous plongeons alors dans la vie marginale d’un père de famille qui souhaite élever ses six enfants à devenir des humains plutôt que comme des soldats du monde moderne.
Au cœur des forêts isolées du nord-ouest des Etats-Unis, il se consacre entièrement à leur éducation, à travers livres, arts, aventures et autres interactions avec le monde vivant, leur imagination et leur spontanéité. Or, ce doux rêve devra soudainement prendre fin, et la confrontation avec la réalité extérieure obligera ce père à revoir quelque peu sa vision.
8. Les évadés (The Shawshank Redemption) – Frank Darabont, 1994
Le film de Frank Darabont est l’adaptation d’un récit de Stephen King intitulée « Rita Hayworth et la Rédemption de Shawshank » présente dans le recueil de nouvelles : Différentes Saisons paru en août 1982. Le texte d’origine de l’un des auteurs les plus prolifiques du XXIe siècle, contient déjà l’essence profonde d’un propos qui se veut avant tout humain, illustré dans une prose saisissante et immersive.
Le long métrage magnifie, quant à lui, cette l’histoire par le biais d’une réalisation qui touche le spectateur d’une façon peu commune. Louant les qualités de la persévérance, de l’amitié ou encore de l’espérance à toute épreuve, Les évadés place l’humain au centre de toute chose, tout en exposant sans fards sa profonde dualité. Solidarité et entraide prennent toute leur importance et leur sens au milieu d’un système carcéral critiqué mais aussi très cruel, où la survie est une composante de chaque jour. Le long métrage ne manque pas non plus d’épingler la corruption qu’il peut exister au sein des systèmes carcéraux, mais parle également de la question épineuse de la réinsertion des détenus, avec une grande intelligence.
« À l’extérieur j’étais un homme honnête, j’ai du aller en prison pour devenir un escroc. »
Une mise en exergue de la bonté humaine, une magnifique ode à la liberté mais surtout un vibrant message d’espoir communicatif, rythmé par une émotion profonde et sincère. Les évadés a été un véritable échec commercial à sa sortie, mais est aujourd’hui considéré comme « l’un des meilleurs films de tous les temps » avec la Ligne Verte.
« Dépêche toi de vivre, ou dépêche toi de mourir »
9. La Vie est Belle (It’s a Wonderful Life) – Frank Capra, 1946
Peu après la seconde guerre mondiale et voulant s’émanciper d’Hollywood, Frank Capra créa sa propre société de production indépendante : Liberty Films, dont La Vie est belle est le premier long métrage. Aujourd’hui considéré comme un classique que l’on aime regarder en période de Noël, le film manque tout de même de reconnaissance et mérite d’être davantage connu, tant son message universel est d’une beauté rare.
La Vie est belle est un antidote à la morosité, une leçon de vie, mais surtout un formidable questionnement sur l’insatisfaction permanente des vies que l’on mène. Le film s’apparente davantage à un conte qui met en valeur le positif, et qui relaye au second plan la négativité qui peut facilement gagner et ronger le cœur des êtres. Critiqué par certains à sa sortie et encore aujourd’hui pour son aspect jugé lisse et « Amérique traditionnelle », il se pourrait bien que le petit bijou de Capra n’ait pas été lu sous tous ses angles possibles, et ne soit pas apprécié à sa juste valeur. On saluera un vent de bonté contagieux qui honore l’être humain.
Plus tard, dans son autobiographie, Frank Capra décrira La Vie est belle en ses mots :
« La Vie est belle n’était fait ni pour les critiques blasés, ni pour les intellectuels fatigués. C’était mon type de film pour les gens que j’aime. Un film pour ceux qui se sentent las, abattus et découragés. Un film pour les alcooliques, les drogués et les prostituées, pour ceux qui sont derrière les murs d’une prison ou des rideaux de fer. Un film pour leur dire qu’aucun homme n’est un raté ».
« C’est étrange n’est-ce pas ? La vie d’un Homme touche tant d’autres vies. Quand quelqu’un n’est pas là, il laisse un vide immense, n’est-ce pas ? »
10. Vol au dessus d’un nid de coucou (One Flew Over the Cuckoo’s Nest) – Miloš Forman, 1975
Quand un condamné par la justice se fait interner volontairement en hôpital psychiatrique, et y fait sa révolution. Vol au dessus d’un nid de coucou met en scène le quotidien de patients aux troubles psychiques, complètement assujettis au système hospitalier dans lequel ils vivent. Non prise en compte des besoins des malades, médication obligatoire et systématique, privation de centres d’intérêt, méthodes thérapeutiques inhumaines, sont autant de sujets traités par le film de Milos Forman, qui remporta 5 oscars.
Le personnage principal (interprété par un Jack Nicholson au sommet de son art) va peu à peu semer un vent de révolte au sein de cette communauté passive, éveiller une bonne dose d’enthousiasme, mais surtout installer une forme de désobéissance notable.
Vol au dessus d’un nid de coucou est un long métrage émotionnellement fort qui redonne leur humanité et leur intégrité aux exclus de la société, aux marginaux et aux « fous ». Authentique hommage à la différence, il égratigne également les préjugés et livre un poignant message de tolérance. Une vibrante leçon d’humanité mettant en avant l’esprit de résistance.
11. Juno, Jason Reitman (2007)
Juno, c’est l’histoire culte d’une ado ordinaire mais incroyable de 16 ans. C’est l’histoire de sa quête personnelle, qui est aussi celle de l’adolescence en général : entre force et vulnérabilité. Et pour beaucoup, c’est un souvenir encore vif de notre propre jeunesse passée devant les petits écrans cathodiques, à coups de VHS.
Tandis qu’au lycée, tout tourne autour de sujets superficiels, la vie de Juno va basculer pour des raisons autrement sérieuses. En effet, elle tombe enceinte de Bleeker, un garçon qu’elle fréquente nonchalamment. Elle prend alors la décision de confier son bébé à un couple qu’elle repère dans les petites annonces locales. La suite, comme le reste du film, est un véritable vent d’air frais drôle et anticonformiste mettant en scène une héroïne complexe et nuancée, à l’image d’une réalité qu’il fait bon de voir représentée à l’écran. Ou quand l’humain, recentré autour de ses propres vertiges, fait face à une sensibilité et à des doutes qu’il découvre bien plus communs et partagés qu’il ne le pensait.
12. American History X, Tony Kaye (1999)
American History X est certainement le long métrage mémorable de Tony Kaye, qui a tout de même réalisé l’intéressant Detachment en 2011. Il nous entraîne dans les pas de Derek, un suprémaciste blanc au comportement très violent, raconté à travers le prisme de son frère Danny (Daniel).
L’accent est mis sur les rouages pernicieux qui peuvent mener à la haine de l’autre et toutes les conséquences dramatiques que cela implique. Point par point, on assiste à la chute de Derek, un jeune étudiant intelligent et studieux, qu’un événement tragique va transformer en machine de guerre. Pourquoi Derek (interprété par Edward Norton ) rejoint-il un tel groupe extrémiste et destructif ? Quels sont les événements qui précipiteront ses choix et façonneront sa nouvelle idéologie ? Il sera question de comprendre … comprendre l’incompréhensible. C’est pourquoi le long métrage se déroule sur plusieurs temporalités différentes et dans divers lieux. Il faudra saisir le cheminement de cette destinée tragique et autodestructrice.
American History X est avant tout une œuvre sociale très critique qui pointe du doigt les lacunes des systèmes politiques et juridiques dans le démantèlement des réseaux néo-nazis aux États-Unis, mais aussi l’un des plus puissants brûlots anti-racistes jamais réalisé. Poussant au questionnement et à la tolérance, le long-métrage choque et bouscule afin de conscientiser un large public sur la question.
Nul doute que le film a désormais un certain écho avec une actualité brûlante… Un long métrage définitivement humain et portant un précieux message d’universalité. Il est toutefois difficile (attention aux âmes sensibles).
Extrait :
« Je pense que le moment est venu de vous dire ce que j’ai appris, d’en tirer une conclusion, non ? Et bien ma conclusion c’est que la haine est une saloperie ! La vie est trop courte pour passer son temps à avoir la haine ! Ça n’en vaut pas la peine. Derek dit toujours que c’est bien de terminer un devoir par une citation, il dit que quelqu’un a déjà dû en faire une bonne, si on ne peut pas faire mieux, autant la lui emprunter carrément ! J’ai choisi celle-là et j’espère qu’elle vous plaira :
« Nous ne sommes pas ennemis, mais amis ! Nous ne devons pas être ennemis. Même si la passion nous déchire, elle ne doit pas briser l’affection qui nous lie. Les cordes sensibles de la mémoire vibreront dès qu’on les touchera, elles raisonneront au contact de ce qu’il y a de meilleur en nous. » – Abraham Lincoln »
13. Bienvenue à Gattaca (Gattaca) – Andrew Niccol, 1997
Dans un futur pas si lointain une nouvelle société est née, celle des humains au patrimoine génétique qui approche le zéro défaut. Grâce à une médecine très avancée, les enfants sont tout simplement « commandés » à l’avance par leurs parents afin de créer l’enfant quasi parfait.
Et au milieu de cette société d’êtres humains au génome sans failles, vivent encore des personnes conçues « naturellement » qui subissent chaque jour des discriminations ouvertes et cachées. Vincent, le personnage principal du film, appartient à la seconde catégorie, celle des personnes conçues naturellement, celle des imparfaits. Et le rêve de ce dernier, c’est de rentrer à Gattaca, un centre d’études et de recherches spatiales, très sélectif et inaccessible pour les personnes de son rang.
Bienvenue à Gattaca est un long métrage qui salue les imperfections des êtres humains, en mettant en garde contre de possibles et graves dérives eugénistes, qui créeraient une société froide, rigide et sans humanité. En seconde lecture, le film met aussi en évidence toutes les formes de discriminations auxquelles sont soumis les gens dans leur quotidien, à commencer par le racisme ou encore l’élitisme.
Bienvenue à Gattaca c’est aussi un merveilleux message d’espoir et de solidarité, au cœur d’une émotion sincère et puissante. En plus d’être d’une subtile sobriété, Bienvenue à Gattaca est également un film très réaliste qui se refuse à tout sensationnalisme, et c’est en cela qu’il permet un réel questionnement.
À savoir qu’en 2011, la NASA a désigné Bienvenue à Gattaca comme « film de science-fiction le plus plausible de l’histoire du cinéma ». Comme quoi, restons prudents…
14. La Route (The Road) – John Hillcoat, 2009
Il semble important de dire avant toute chose que La Route n’est vraiment pas un film facile. En effet la réalisation de John Hillcoat est très éprouvante tant elle met en perspective une cruauté sans nom difficilement supportable. Au milieu d’un monde post-apocalyptique où le soleil a disparu du ciel, mais aussi des cœurs, un père et son fils essaie de survivre en parcourant de nombreux kilomètres chaque jour. Sur leur chemin, ils rencontrent la détresse, la solitude, la tristesse, l’horreur et la peur. Et au milieu de cette obscurité, ils vivent aussi de courts moments de joie et d’apaisement dans une sérénité toute relative.
La Route est une odyssée empreinte d’une mélancolie pesante, qui questionne ce qui fait ou pas notre humanité et surtout dans quel contexte. L’adaptation du roman de Cormac McCarthy est un film brillant et poignant qui illustre parfaitement le propos qu’on ne naît pas humain mais qu’on le devient. Illustré par la métaphore du porteur de feu, le long métrage parvient tout de même à laisser entrevoir une lueur d’espoir et de lumière bien réelle dans ce chaos désenchanté, baigné par les souvenirs douloureux. Où commence notre humanité ? A creuser…
15. Interstellar, Chritopher Nolan (2014)
Le long métrage de Christopher Nolan (également réalisateur de la dernière trilogie Batman) n’a laissé personne indifférent ou presque. Interstellar, c’est d’abord une histoire qui prend son temps, puis des images absolument époustouflantes et mémorables par la suite. Le réalisateur a d’ailleurs travaillé avec l’astrophysicien Kip Thorne pour le scénario et les détails du film.
Mais au-delà du pur métrage de science-fiction, que Christopher Nolan a voulu « réaliste » (ou tout du moins vecteur d’une certaine réalité), il y a un réel questionnement sur l’avenir des êtres humains, sur leur capacité à se transformer, à s’adapter mais aussi à s’entraider. Aussi, la Terre se trouve-t-elle dans un état désastreux où plus rien ou presque ne pousse, et où la poussière a envahi toute la surface.
Interstellar est une expérience sensorielle et visuelle unique, qui interroge nos paradigmes, nos choix et nos comportements, en passant par tous les sentiments humains qui nous caractérisent. Tout en questionnant nos représentations, Interstellar place l’amour au centre de toute chose comme source du salut de l’humanité, et ce sont ces deux composantes liées entre elles qui en font un film profondément humain, mais aussi universel.
On notera qu’il y a une similitude possible à faire avec Contact, le long métrage Robert Zemeckis sorti en 1997, en ce qui concerne les thématiques abordées.
« Nous avions l’habitude de lever les yeux vers le ciel et de nous demander où est notre place dans les étoiles, et maintenant nous regardons en bas et nous nous inquiétons de notre place dans la poussière ».
16. 12 hommes en colère (12 Angry Men) – Sidney Lumet, 1957
Ce film nous plonge au cœur d’une prise de décision démocratique, avec toute la complexité des mentalités humaines, où les pensées les plus sombres côtoient les esprits (et un esprit en particulier) les plus éclairés.
Un jury de douze hommes (blancs) doit statuer, à l’unanimité, sur le sort d’un jeune homme (de couleur) qui, s’il est jugé coupable, passera à la chaise électrique. Une seule personne, un architecte, estime que l’homme n’est pas coupable. Va alors débuter une lutte pour la vérité où la vie d’une personne est au cœur du débat.
Une plongée dans la réalité froide du système judiciaire américain de l’époque et un questionnement sur le pouvoir de donner la mort à une personne. Le film est également le reflet critique de la société américaine des années 50 où la femme, jugée inférieure, est expulsée du débat… Haine, amour, doute, intolérance, justice, vengeance, autant de thèmes révélateurs de la complexité de l’esprit humain, sont explorés dans ce film d’une grande qualité, autant sur le fond que dans une approche méta-analytique.
17. La Belle Verte, Coline Serreau, 1996
Une planète extraterrestre, des habitants, l’équilibre parfait. Il s’avère que leur capacité à aller visiter d’autres planètes leur permet également d’aller et venir à travers différents univers et cultures. Or, depuis deux cents ans, la Terre n’attire plus personne… Jusqu’à cette jeune femme qui décide un jour de se porter volontaire : direction Paris.
Voilà La Belle Verte, un film décalé, mais hautement significatif de 1996, avec Coline Serreau, Vincent Lindon et Marion Cotillard. Depuis le point de vue extraterrestre, nous prenons enfin le recul de nos modes de vie, de nos évidences et de notre modèle écocidaire. Un objet cinématographique original qui a l’avantage de faire réfléchir tout en humour sur des questions encore, malheureusement, criantes d’actualité.
18. The Elephant Man, David Lynch, 1980
Adaptation libre de la vie de Joseph Merrick, The Elephant Man est l’un des films les plus marquants de David Lynch. Il est inspiré de deux biographies : The Elephant man and Other Reminiscences, les mémoires de Sir Frederick Treves, et The Elephant man : A study in human dignity d’Ashley Montagu.
The Elephant Man met surtout l’accent sur la maltraitance qu’a subi Joseph Merrick au cours de sa vie, ayant été exposé comme une bête curieuse, et moqué en raison d’une maladie génétique rare. Une maladie physiologique qui entraîna des déformations importantes sur son corps et son visage, d’où le surnom d’homme-éléphant. Livré et abandonné à la cruauté des sociétés, Joseph Merrick (appelé John dans le film) va également rencontrer un bienfaiteur sur son chemin, qu’il trouvera en la personne du Docteur Frederick Treves.
L’histoire s’attarde à rendre son humanité à un être bafoué, méprisé et anéanti par la malveillance des autres, et le Docteur Frederick Treves représente un espoir en l’humain qui demeurait jusqu’ici perdu. Les qualités artistiques indéniables et les interprétations viscérales confèrent à cette réalisation un statut unique dans le paysage du septième art. Véritable plaidoyer en faveur du droit à la différence, The Elephant Man, bien que très éprouvant émotionnellement, livre un message de tolérance et d’empathie immensément poignant. Sublime et inoubliable, comme le morceau qui l’accompagne : Adagio for Strings de Samuel Barber, d’une universalité rare.
19. Little Miss Sunshine, Jonathan Dayton, Valerie Faris, 2006
L’humanité, c’est aussi d’infimes moments de joie, des aventures simples mais heureuses qui naissent au sein de vies singulières. Comme celles de la famille imparfaite, mais attachante, des Hoover. Et au sein de cette tribu, il y a surtout Olive, 7 ans, qui rêve de devenir reine de beauté, à l’image de toutes ces petites filles élevées à ce type de concours aux Etats-Unis.
Pour devenir la Little Miss Sunshine de Californie, la petite héroïne partira sur les routes avec toute sa famille, dans le fameux break Volkswagen rouillé couleur du soleil. Derrière la simplicité apparente de ce road trip se cache en réalité une odyssée intelligente à travers les Etats-Unis : une famille américaine moyenne face aux aléas du quotidien dans lesquels tout le monde peut étrangement se retrouver. De quoi reprendre espoir en nos semblables et renouer plus que jamais avec notre humanité tendrement cabossée.
Egalement un sacré vent de liberté sur les diktats qui nous écrasent dès le plus jeune âge :
Conclusion
Notons que si le cinéma populaire est aujourd’hui au cœur de crises décisives – que ce soit sur le rôle des plateformes de streaming type Netflix dans la transformation de notre rapport aux films, ou concernant la crise que traversent les salles de cinéma ou bien encore la surproduction de films « fast-food » par des sociétés avec des objectifs purement commerciaux -, ce n’est pas le cas de toutes les grosses productions cinématographiques actuelles. Certaines portent encore de nombreuses valeurs fortes, au-delà de leur popularité, comme notamment le récent Don’t Look Up. Par ailleurs les cinémas indépendants ou classés « Art & Essais » continuent de résister et de proposer des programmations plus diversifiées, comme l’excellent documentaire La (Très) Grande Evasion.
Il est également important de noter que les 15 films présentés, bien que d’une qualité indéniable, s’inscrivaient également dans une époque où l’universalisme et les valeurs humanistes étaient principalement incarnés par des hommes, dans des réalisations d’hommes et servant un regard majoritairement masculin (souvent blanc et hétérosexuel). Il est extrêmement positif que les choses bougent concernant l’inclusivité et la représentativité du cinéma dont l’ensemble démontrait clairement une exclusion systémique (plus ou moins consciente selon les cas).
En effet, le paysage cinématographique n’était pas seulement l’addition de plusieurs individualités créatives, dont les choix auraient été uniquement personnels et aléatoires, mais bien le résultat final d’une accumulation de constructions sociales, d’idées préconçues, de discriminations, de sexismes, de privilèges, dans un paradigme singulier et forcément orienté… Ce n’est pas renier ce cinéma que de l’admettre, mais c’est avancer en tout état de cause vers un cinéma qui a tout intérêt à se questionner pour mieux se réinventer, et cela n’empêche absolument pas de savourer ces vieux chef-d’œuvres ainsi mieux contextualisés.
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