Le décès récent d’un blogueur engagé à Hambach, en Allemagne, met tristement en lumière, à un niveau international, le sort réservé à la forêt millénaire de même nom et dont les derniers hectares, défendus par une ZAD, sont promis à être rasés par le géant de l’électricité allemand RWE.
Il n’y a certainement pas qu’en France où se déroulent de grands projets industriels destructeurs de l’environnement. À Hambach, dans l’ouest de l’Allemagne, des militants s’activent depuis plusieurs années pour protéger les restes d’une forêt vieille de 12.000 ans de la folie extractive. Depuis 1978, date à laquelle les arbres s’étendaient encore sur 4200 hectares, la superficie de cet espace naturel a été réduite à une peau de chagrin : 200 hectares. Alors que certains arbres atteignent ici les 350 ans, la forêt pourrait être définitivement rasée dans les prochains mois afin d’extraire le charbon que recèlent les sous-sols. À la place de ces arbres plusieurs fois centenaires, on trouverait alors une nouvelle immense mine à ciel ouvert, comme tant d’autres dans la région.
C’est sur ce lieu que s’est joué le drame ce mercredi 19 septembre : un blogueur qui filmait l’intervention des forces de l’ordre en train de déloger les opposants a mortellement chuté depuis une cabane dans un arbre. Une enquête devra révéler les circonstances exactes du drame. Le jeune homme, Stephen M., âgé de 27 ans, se rendait régulièrement à la ZAD depuis un an afin d’informer les internautes et citoyens de son évolution. Si la police n’est pas directement mise en cause, les militants demandent que soit mis fin à une intervention jugée surdimensionnée par la presse. 3500 policiers avec hélicoptères, canons à eau et chevaux ont été envoyés sur place. Mais l’exploitant RWE a d’ores et déjà annoncé que la mort du journaliste n’empêcherait pas de poursuivre le défrichement de la forêt. De quoi rassurer les investisseurs du géant de l’énergie coté en bourse.
RWE, deuxième producteur d’électricité en Allemagne, a également été classé en 2015 au premier rang des plus grands pollueurs en Europe. Depuis 2004, le géant de l’énergie allemand veut exploiter les derniers espaces de la Forêt de Hambach pour y extraire le charbon qui s’y trouve. Pour empêcher la réalisation de ces plans, l’association environnementale BUND dépose d’abord un recours en justice afin de contester l’autorisation donnée par les autorités locales à RWE. Cette démarche ayant échoué, les militants décident d’occuper la forêt et y maintiennent une zone à défendre (ZAD) depuis 2012. Pour les militants, il s’agit non seulement de protéger une forêt d’une grande rareté tant sur le plan écologique que symbolique, mais aussi d’alerter à propos du changement climatique et de l’urgence de sortir des énergies fossiles. Au total 51 cabanes, construites pour la plupart dans les arbres ont été érigées dans la forêt. Depuis le début des opérations le jeudi 13 septembre (lancées selon les officiels en raison du « risque élevé d’incendie »), la moitié de ces installations ont été détruites.
L’Allemagne embourbée dans le charbon, la France la soutient
Certes, l’Allemagne se développe rapidement en matière d’énergies renouvelables. Mais comme le relève Bastamag, la poursuite de ses activités liées à l’extraction de charbon est en contradiction avec les ambitions affichées de l’Allemagne : « L’évacuation des défenseurs du climat de la forêt d’Hambach a lieu alors même qu’une « commission charbon » travaille depuis juin à un plan de sortie du charbon ». La dissonance est flagrante. En effet, si notre voisin d’outre-Rhin veut atteindre son objectif climatique – celui de réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 d’ici 2020 – il devra diminuer sa dépendance au charbon. Comme le montrent plusieurs rapports, les objectifs ne pourront être atteints que si l’Allemagne fermait plusieurs centrales à charbon d’ici là.
Comme le rappelait 350.org cette semaine, la France continue de soutenir le charbon en Allemagne, et ce en dépit de ses propres engagements. En effet, pointe l’ONG, « la France continue d’investir des millions d’euros, via la Caisse des Dépôts et consignations* notamment, dans les mines et les centrales à charbon allemandes ». Ceci peut sembler surprenant, mais la France joue donc un rôle d’importance sur ce développement industriel de l’Allemagne. Emmanuel Macron avait pourtant annoncé en 2017 que les quatre dernières centrales à charbon françaises seraient fermées d’ici 2021 et un mois plus tard c’est son ministre Bruno Le Maire qui indiquait que les investissements de la Caisse des Dépôts se feraient désormais en considération des enjeux climatiques. Mais les paroles politiques n’ont pas encore fait place aux actes.
Du 25 au 29 octobre prochains, des militants de toute l’Europe se réuniront à l’initiative de « Ende Gelände » dans le bassin du Rhin pour dire stop au charbon. Pour obliger la France à maintenir ses engagements, zerofossile.org a mis en place une pétition.
*La Caisse des Dépôts et consignations est une institution financière publique française.
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