Pour ceux à qui les études ne suffisent pas, quiconque a regardé la dernière saison de la série futuriste et dystopique « Black Mirror » comprendra tout l’intérêt de préserver nos abeilles. Dans un monde où celles-ci subissent de plein fouet les effets d’une agriculture intensive et du changement climatique, mettre en place des mesures vouées à leur conservation devient un enjeu vital. Afin de mieux cerner les effets de l’activité humaine sur leur population, deux doctorants espèrent aujourd’hui bénéficier d’un mini coup de pouce.
Cela ne fait plus aucun doute, les insectes pollinisateurs, et notamment les abeilles, vivent des moments difficiles. Une des raisons mise en cause par les scientifiques concerne notamment les problèmes d’approvisionnement en pollens, qui se font rares, et subissent également une baisse dans leur diversité. Une diminution que l’on doit, en outre, à l’expansion de l’agriculture moderne et de sa triste monoculture généralisée. Naturellement, l’abus de certains pesticides et autres pollutions atmosphériques sont également pointés du doigt.
Pour contrebalancer cette déficience, et dans une logique industrielle, les gros apiculteurs ont quant à eux tendance à prodiguer des régimes très riches en pollen qui se révèlent potentiellement néfastes. Or, l’impact réel de la variation en approvisionnement en pollen sur la santé de l’abeille reste très mal connu à ce jour et de nouvelles observations sont nécessaires pour leur venir en aide de manière urgente. Deux jeunes chercheurs français ont décidé de mettre la main à la pâte, et d’aller regarder cela de plus près. Pour ce faire, ils lancent aujourd’hui une campagne de crowdfunding qui, si elle s’achève avec succès, leur permettra de tester leurs hypothèses, et de comprendre davantage les effets des diverses activités humaines qui touchent directement nos colonies de butineuses pour mieux les endiguer.
Deux étudiants prêts à s’investir pour la planète
Simon Klein et Théotime Colin sont deux doctorants qui ont à cœur de comprendre comment fonctionne l’équilibre subtil qui régit la résilience des colonies de pollinisateurs, abeilles domestiques ou bourdons. Le premier, Simon, travaille sur les variabilités de comportement individuel de butinage. En partant d’une simple abeille, il étudie ce que son comportement individuel implique pour la colonie entière et comment les stresseurs anthropiques affectent les comportements de butinage.
L’autre, Théotime, se concentre sur la dynamique de colonie et tente de tester des modèles prédictifs décrivant des effondrements de ruches sous conditions de stress. Il s’agit de comprendre les causes de l’effondrement, de plus en plus nombreux, de certaines ruches et la dislocation de certaines colonies. Après 8 années à travailler dans l’apiculture, il espère aujourd’hui participer activement à la préservation des abeilles.
Ils se rejoignent sur un projet commun tentant d’analyser l’impact de la nutrition sur le comportement de butinage et la dynamique de colonie. En bref, comment la nutrition des abeilles affecte leurs comportements.
Une apiculture productiviste en cause
Afin de comprendre l’effet des carences ou des abus en pollen, Simon et Théotime ont décidé de se lancer dans la recherche. Et parce que la science, elle aussi, a parfois besoin d’un coup pouce, ils ont lancé une campagne de financement participatif. Leur objectif ? Récolter 2500€ pour acquérir du matériel technique pour leur expérience de recherche. Ils souhaitent en effet équiper le dos des abeilles avec de petites balises électroniques (RFID) afin de suivre leurs aller et venues. Ces puces électroniques contiennent un code individuel qui est reconnu par un lecteur à l’entrée de la ruche. Cette entrée contient aussi une webcam et une balance qui permet de connaître l’efficacité de butinage de chaque individu au cours du temps.
Ainsi, en comparant les abeilles qui ont été carencées en pollen durant leur développement, avec un groupe non carencé et un groupe trop nourri, ils pourront analyser finement l’impact d’un régime protéiné particulier sur l’efficacité de butinage qui entre en jeu dans le succès et le maintien de la colonie. Ils effectueront cette expérience en Australie, à l’Université Macquarie de Sydney avec le professeur Andrew Barron. Un choix géographique qui n’est pas anodin : l’Australie connaît les populations d’abeilles les plus ‘saines’ de la planète, et c’est le seul endroit restant au monde qui n’est pas touché par le varroa, une mite très virulente qui affaiblit les abeilles. Ainsi, ils pourront s’assurer que l’effet observé est simplement lié au régime et n’est pas confondu avec un effet du varroa. L’objectif final étant de pouvoir conseiller les apiculteurs sur la meilleure façon de nourrir leurs abeilles. Pour une apiculture plus responsable, et des abeilles qui, mieux nourries, n’auront peut-être plus le bourdon.
Sources : Experiment.com