L’aquaponie est-elle une solution pour nourrir les villes ? C’est ce qu’estime Pierre Oswald, fondateur du projet Citizen Farm. Actuellement, lui et son équipe mettent à l’épreuve à Toulouse une « ferme urbaine » capable de subvenir aux besoins d’une famille de quatre personnes et vend aux particuliers un modèle réduit pour l’intérieur.
Comment nourrir une population croissante, dont la majorité vit en ville, tout en intégrant les défis que sont le changement climatique et l’épuisement des ressources ? À cette question, Pierre Oswald, fondateur en 2013 de Citizen Farm, espère apporter des éléments de réponse. Le jeune entrepreneur toulousain, tout juste sorti de la Toulouse Business School et au bord de la trentaine, veut miser sur l’aquaponie. Ce système de culture vise l’autonomie et l’efficacité : il repose sur la création d’un écosystème dont les principaux acteurs sont des plantes et des poissons.
Pierre Oswald voudrait démontrer qu’il existe des alternatives à l’agriculture industrielle, extensive et polluante. Le fondateur de Citizen Farm explique « je veux retrouver [l’] idée de cultiver local. Le fait de produire soi-même est l’avenir. C’est une question de temps. Il faut y réfléchir maintenant sinon on le subira plus tard. » Pour cette raison, il a décidé de mettre sur le marché des systèmes de culture en aquaponie à destination des collectivités, des entreprises ainsi que des particuliers. Ses inventions interviennent à quatre niveaux, étroitement interconnectés : celui de l’environnement, de la pédagogie, de la création de liens et enfin de l’innovation.
Un nouvel aquarium en aquaponie pour l’intérieur des appartements
L’idée d’autonomie est essentielle à la technique de l’aquaponie : l’objectif est de créer les conditions nécessaires pour que plantes et poissons puissent former un écosystème en symbiose : chacun nourrit l’autre. Posées sur un bocal contenant des poissons, les plantes absorbent les déjections de ces derniers par l’intermédiaire de leurs racines. De cette manière, elles poussent grâce à un engrais naturel tout en assurant le nettoyage de l’aquarium qui ne doit être entretenu que de manière occasionnelle. De plus, on évite l’utilisation d’engrais chimiques dont l’agriculture conventionnelle est gourmande, tout en économisant des quantités importantes d’eau, un élément non négligeable lorsqu’on applique cette méthode à grande échelle. Le tout est de nourrir les poissons respectueusement.
Pour l’intérieur, Oswald a développé l’Ozarium, un aquarium qui fonctionne sur la base des principes de l’aquaponie : malgré sa petite taille (l’aquarium fait 9 litres) la structure permet de faire pousser des fraises ou encore des tomates cerises. En raison du format, ce sont toutefois les plantes aromatiques telles que la menthe, la coriandre ou le basilic qui sont à privilégier. Le plastique utilisé pour la construction du bocal a été spécialement choisi pour éviter les Composés Organiques Volatils (COV) ou de phtalates, des éléments dangereux pour la santé. Pierre Oswald espère que son système, dont le modèle le plus simple est vendu à 79 euros, convaincra aussi bien des particuliers qui veulent produire des plantes aromatiques en intérieur que les écoles, dans lesquelles l’innovation pourrait servir de support pédagogique. On notera que le système est dépendant d’une pompe à faible consommation énergétique pour absorber les excréments et les diriger vers les racines.
L’aquaponie pour faire fonctionner des fermes urbaines ?
Dès la réalisation de ses premiers projets, Pierre Oswald a vu les choses en grand. À Toulouse, sur les bords de la Garonne, on peut visiter un prototype de « ferme urbaine » réalisé par Citizen Farm, constitué d’un conteneur sur lequel est posée une serre. Le procédé est le même que celui de l’Ozarium à plus grande taille, puisque la « ferme » permet de cultiver des fruits et des légumes, tout en menant un élevage de poisson. De part sa taille, 15 m2, soit environ une place de parking, les objectifs sont plus ambitieux, puisque le dispositif permettrait de subvenir à un partie significative des besoins alimentaires d’une famille constituée de quatre personne, indique le fondateur.
Il explique « Avec cette ferme, nous voulons montrer qu’il est possible, en ville, de nourrir une famille de quatre personnes pendant un an avec une production 100 % locale. L’agriculture urbaine répond à des enjeux économiques et écologiques forts. Il est possible de consommer autrement tout en s’inscrivant dans la ville existante ». Ce prototype, destiné avant tout à convaincre collectivités territoriales et les entreprises locales, donne de la visibilité à une technique qui n’a pas encore connue de large diffusion en France et reste critiquée pour son caractère détaché de la terre.
Citizen Farm nous rappelle à quel point il serait important de produire la nourriture plus localement tout en donnant à plus d’acteurs le contrôle de cette production. Comme le rappelle le récent débat né à la suite de l’annonce de la fusion entre les deux géants Bayer et Monsanto, tous secteurs confondus, il est urgent de sortir d’un système vertical, dans lequel un nombre très restreint d’entreprises et de groupes détiennent une très grande majorité du marché. Cette verticalité fait en effet peser un réel danger sur la société, non seulement parce que les entreprises peuvent imposer leurs règles et leurs produits, mais également parce que cette concentration se fait au détriment de la diversité. Reste à savoir si l’aquaponie fera des adaptes.
Sources : citizenfarm.fr / faiseursdeboîtes.fr / ladepeche.fr / latribune.fr