Des chercheurs américains ont récemment pu observer un nouveau mode de locomotion chez le perroquet : la « becomotion ». Jusque-là inconnue, cette façon de se mouvoir a de quoi nous questionner sur la convergence évolutive entre les oiseaux et les primates. Le point sur cet oiseau tropical qui fascine autant par sa beauté que ses capacités cognitives, victime malgré lui de l’insatiable cruauté humaine.

On savait déjà que les perroquets peuvent voler, marcher et grimper. Ce qui n’avait pas encore été constaté en revanche, est qu’ils peuvent également se déplacer de branche en branche à l’aide de leur bec. Découverte de taille dans le domaine de l’ornithologie et, plus globalement de la biologie de l’évolution, ce phénomène appelé la « becomotion » (« bekiation » en anglais) a été observé sur quatre inséparables rosegorges (Agapornis roseicollis). Publiée le 11 janvier 2024 dans le journal scientifique Royal Society Open Science, cette étude constitue une avancée importante dans la compréhension de l’évolution et de la capacité d’adaptation des oiseaux.

Des capacités cognitives proches de celles des primates

En sachant que les perroquets sont d’excellents grimpeurs, les chercheurs ont voulu voir ce qui se passerait si ces oiseaux étaient confrontés à des difficultés pour se mouvoir dans leur milieu. Ils les ont placés sur une barre suspendue d’un diamètre de 2,5 mm, segmentée en trois parties. Ils ont alors pu les observer se déplacer latéralement, s’accrochant à la barre avec leur bec, puis balançant leur corps sur le côté pour l’attraper à nouveau avec leurs pattes, répétant ensuite ce même mouvement jusqu’à atteindre leur destination.

N’ayant jamais été entraînés pour ce faire, ils ont eux-mêmes trouvé cette « solution innovante face à un nouveau problème » selon Edwin Dickinson, co-auteur de l’étude qui a rappelé que les perroquets sont déjà connus pour leur intelligence surprenante. Les habitats naturels de ces oiseaux n’étant pas forcément propices au vol (forêts denses), ils n’ont parfois pas d’autre choix que de se déplacer par le biais de branches fines. Il faut alors diversifier les modes de locomotion. Le phénomène de la becomotion ouvre ainsi une nouvelle porte dans la compréhension d’adaptations uniques des oiseaux, développées pour survivre dans des environnements arboricoles complexes.


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Ce n’est pas la première fois que des scientifiques découvrent des capacités cognitives stupéfiantes chez les perroquets, véritables prodiges de l’intelligence animale. Êtres sociaux qui communiquent entre eux par vocalisations spécifiques, ils utilisent notamment la communication référentielle. En plus d’être des animaux très sociables dont certaines espèces peuvent imiter des sons et le langage humain (avec une grande précision) et en comprendre le sens, ils ont également la capacité de d’utiliser des outils, de raisonner, d’apprendre et de mémoriser des informations complexes, mais aussi de compter et de résoudre des problèmes mathématiques simples. Ils ont également une forte intelligence sociale et coopèrent entre eux.

Par ces qualités remarquables, ils ont en fin de compte, comme les corvidés, beaucoup en commun avec les primates. Par ailleurs, à masse cérébrale identique, ils ont même plus neurones que ces derniers car malgré un cerveau beaucoup plus petit, leur densité est nettement supérieure selon une étude publiée en 2016 dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences.

Concernant l’utilisation d’outils par les perroquets, appelés parfois, les « singes à plumes », une observation surprenante a été réalisée il y a quelques années dans la réserve faunique de Willowbank à Christchurch (Nouvelle-Zélande) qui, en 2012, a sauvé Bruce, un kéa typique (Nestor notabilis) souffrant d’un handicap, n’ayant plus la partie supérieure de son bec depuis plus d’une décennie. Ce défaut l’empêche de se nourrir tout seul et devrait également, en toute logique, l’empêcher de se nettoyer les plumes. Que nenni !

En 2021, la biologiste Amalia Bastos de l’Université Johns Hopkins (pays), venue dans la réserve pour étudier les kéas, a noté que Bruce avait trouvé sa propre solution pour se lisser les plumes en utilisant des petites pierres : un comportement qui n’existe pas dans la nature. L’étude, publiée dans la revue Nature cette année-là « fournit des preuves nouvelles et empiriques d’un outillage délibéré pour les soins personnels chez une espèce d’oiseau où l’outillage n’est pas un comportement spécifique à l’espèce. Cela soutient également l’affirmation selon laquelle l’outillage peut être innové sur la base de nécessités écologiques par des espèces ayant une cognition suffisamment générale dans le domaine. »

En fin de compte, plus les recherches en biologie avancent et plus on se rend compte que les capacités cognitives supposées rendre l’humain si « spécial » sont en réalité présentes chez de nombreux autres animaux. Selon Antone Martinho-Truswell, biologiste de l’évolution auteur du livre The Parrot in the Mirror (2022) :

« Les perroquets sont notre image miroir de l’évolution »

Destruction d’habitats naturels et trafic illégal : le perroquet sous le joug de la cruauté humaine

Les perroquets sont les oiseaux les plus menacés du monde, avec près d’un tiers d’espèces en danger d’extinction en Amazonie et en Océanie. Les menaces qui  pèsent sur eux sont variées mais ont un dénominateur commun : l’humain. La destruction de leurs habitats naturels, avec notamment l’expansion agricole et l’exploitation forestière (en sachant que les perroquets sont en majeure partie dépendants des écosystèmes forestiers) est une des premières causes de leur extinction.

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Toutefois, le braconnage n’est pas en reste, les perroquets étant des victimes majeures d’un commerce cruel et illégal. Chaque année, jusqu’à 21 % des perroquets sont arrachés à leur milieu naturel pour finir en captivité. Capturés par des méthodes inhumaines, ils subissent ensuite d’horribles conditions de transport, entassés en nombre dans des cages étroites, souvent privés d’eau et de nourriture adaptée. Il est fréquent qu’ils meurent avant même d’être arrivés à destination. S’ils ont la chance de survivre à cet ignoble périple, la vie en captivité n’a, par la suite, rien de bien attrayant.

Des cages étroites et des besoins naturels insatisfaits deviennent alors généralement leur triste quotidien qui affecte considérablement leur santé mentale et physique, le tout pour le plaisir de quelques individus en soif de divertissement et d’exotisme. À long terme, le commerce illégal constitue une menace de taille pour la survie des perroquets, victimes comme de nombreux animaux sauvages, de l’éternelle avidité humaine.

Elena M.


Photographie de couverture : Rosy-faced lovebirds (Agapornis roseicollis roseicollis) – @WIkimedia Commons

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