Alors que le gouvernement Macron-Philippe annonçait le 31 aout dernier le contenu des ordonnances qu’il compte apporter à la loi Travail, les voix s’élèvent en contestation à travers le pays. Jugées par ceux-ci profondément hostiles aux droits des travailleurs, les ordonnances pourraient bien mettre en péril les citoyens les plus fragiles. C’est notamment le cas pour les victimes de harcèlement sexuel, comme l’a fait remonter l’Association contre les Violences faites aux Femmes au Travail (AVFT). Explications.

Une réforme hostile à la sécurité des travailleurs

Premier point soulevé par les associations de travailleurs, la disparition des CHSCT (Comités d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail), véritables instances de défense des intérêts et droits des travailleurs dans les entreprises de plus de 50 salariés. Chargées d’assurer aux salariés des conditions de travail qui ne vont pas à l’encontre de leur intégrité physique ou psychologique, ces comités existent depuis les années 80 et permettent aux entreprises de mandater des experts externes dans les différents domaines concernés. Notamment très utiles dans les entreprises à haut risque industriel, ces comités sont composés en partie par des représentants du personnel qui bénéficiaient jusqu’alors d’une protection contre les licenciements.

Concernés par les nouvelles ordonnances, ces comités sont tout bonnement appelés à disparaître. En effet, le gouvernement Macron souhaite mettre en place des commissions « santé, sécurité et conditions de travail » en lieu et place de ceux-ci au sein d’un « comité social et économique » unique qui regroupera CE, délégués du personnel et feu CHSCT. Mais voilà, seules les entreprises de plus de 300 salariés (contre 50 auparavant) ou classées à haut risque auront pour obligation de mettre en place cette commission, constituée exclusivement de membres titulaires ou suppléants, ce qui implique un conflit d’intérêts probable entre intérêts économiques et mesures de sécurité.

Illustration : Rodho

Le cas spécial du harcèlement sexuel

Si la disparition de ces comités s’affirme comme une mauvaise nouvelle pour la vaste majorité des travailleurs, elle l’est d’autant plus pour une part des victimes de harcèlement sexuel au travail. Mais ce n’est pas tout. Alors que les indemnités en cas de licenciement « irrégulier ou sans cause réelle et sérieuse » seront désormais plafonnées à 20 mois de salaire brut, les victimes de violences au travail entraînant un départ de l’entreprise pourraient elles aussi subir les conséquences de mesures allant dans le sens de l’employeur.

Ainsi, interrogée par Basta!, Marilyn Baldeck voit là un véritable danger pour les victimes de harcèlement. Selon la présidente de l’AVFT, les femmes qui osent saisir les Prud’hommes suite à un harcèlement sexuel pourraient avoir à faire face à la méfiance des magistrats, qui pourraient ne voir là qu’une tentative de contourner le plafonnement nouvellement institué. Comme le soulignait la militante en septembre dernier, les licenciements pour harcèlement sexuel sont très rares, et c’est bien souvent les victimes elles-mêmes qui prennent acte de la rupture de leur contrat de travail en stipulant l’incapacité de leur employeur à les protéger d’un préjudice physique ou moral. Les prises d’actes sont ensuite requalifiées par les juges en licenciements illégaux, ce qui permet aux victimes de bénéficier des indemnités et protections liés à ce statut. « Les ordonnances, telles qu’elles sont actuellement rédigées, nous privent de cet outil. C’est une catastrophe », s’alarme Marilyn Baldeck.

Une législation peu claire

Suite à la publication des différentes ordonnances, de nombreuses voix se sont élevées parmi les associations féministes, mais aussi parmi les juristes. Conçues comme peu claires, les ordonnances laissaient en effet entendre qu’en cas de rupture à l’initiative de la salariée suite à un harcèlement, les nouveaux barèmes s’appliqueraient. Une nouvelle qui aurait pu venir ternir encore un peu la situation pour les victimes de harcèlement sexuel, qui, lorsqu’elles osent aller devant les tribunaux, s’engagent pour des procédures couteuses de plusieurs années sans certitude d’avoir gain de cause. Un plafonnement des indemnités, aussi ridicule que ce qui est désormais prévu par les dites ordonnances, aurait achevé de décourager toute action en justice (qui ne représentent d’ores et déjà que 5% des cas).

Interpellé, le gouvernement a cependant réagi, affirmant que les ordonnances prévoyaient une dérogation pour les victimes de harcèlement sexuel, dont les licenciements ne seraient donc pas soumis aux nouveaux barèmes. Cependant, cette différence de traitement (qui reste à vérifier en pratique) place donc la victime en situation de suspicion aux yeux des juges. « La victime chercherait-elle à contourner les barèmes ? » Pour rappel, d’après les chiffres du Secrétariat d’État en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes, 1 femme sur 5 sera confrontée à une situation de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle, et 30% des victimes de harcèlement n’en parlent à personne. Il reste urgent et nécessaire de faire en sorte que celles qui osent ouvrir la voix soient considérées, entendues et protégées par la loi.

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Sources : Bastamag.net / AVFT.orgSecrétariat d’État en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes / Ministère du Travail

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