Une enquête de Greenpeace et du journal anglais « The Independent » dévoile les stratégies déployées par Monsanto pour défendre son herbicide à base de glyphosate, le Round Up. Parmi celles-ci, on apprend que des groupes de « faux fermiers » ont été créés dans plusieurs pays par un lobby de Monsanto pour soutenir le produit controversé et donner le sentiment au monde politique les professionnels du milieu agricole défendent ardemment le glyphosate.

La manœuvre aurait pu passer presque inaperçue. Pourtant, dès le Salon de l’agriculture 2018, certains s’interrogent : qui se cache derrière « Agriculture et Liberté » et ses hôtesses qui défendent le glyphosate dans les allées de l’évènement ? Rapidement, RTL découvre que le stand est financé par Monsanto, qui avance en toute discrétion. 8 mois plus tard une nouvelle enquête révèle que le groupe en question n’est en réalité que la partie immergée de l’iceberg : une stratégie d’influence de grande ampleur commandée par Monsanto et minutieusement orchestrée par la cabinet de Conseil Red Flag, basé à Dublin, a été organisée ces derniers mois pour infléchir toute volonté politique allant dans le sens d’une interdiction du glyphosate.

Source : capture d’écran Twitter du faux groupe d’agriculteurs français.

Un agriculteur peut cacher un lobbyiste

Pour défendre l’herbicide controversé, des groupes de « faux agriculteurs » ont été créés dans au moins sept pays à l’initiative de Red Flag. En France, selon The Independent, la campagne du groupe a été particulièrement active. L’interdiction du glyphosate a d’abord été envisagée par Emmanuel Macron avant de changer radicalement de cap pour des solutions secondaires sans réel impact légal. La structure se présente face aux autorités comme « un groupe d’agriculteurs français qui se sont unis pour protéger notre mode de vie et nos moyens de subsistance ». Le même schéma a été décliné dans d’autres pays, notamment « Free to Farm » en Angleterre, « liberta di Coltivare » en Italie, avec un relatif succès.

Bénéficiant de moyens matériels et financiers, Agriculture et liberté a défendu « sa » cause lors de plusieurs évènements liés à l’agriculture, mais a également investi internet et les réseaux sociaux. Sur son site, Agriculture et liberté s’inquiète des conséquences que pourrait avoir l’interdiction du glyphosate pour les agriculteurs français en termes de rendements et de compétitivité. La structure médiatise également l’idée qu’il n’existe aucune « alternative crédible » à la substance. Le site mentionne que la campagne est soutenue « par une coalition d’utilisateurs et fabricants de produits agricoles », sans que les noms de ces organismes ne soient précisés.

business: It’s been a tough year for glyphosate, the world’s most popular weedkiller https://t.co/Mqo5LasmeR https://t.co/hfVMroXBN8

Monsanto à la manœuvre

En remontant la chaîne, les journalistes et enquêteurs de The Independent et de Greenpeace ont fait le lien entre les groupes nationaux, Red Flag et Monsanto. Selon le Registre de transparence de l’UE, Red Flag a ainsi perçu entre 100.000 et 200.000 euros de la part de Monsanto. Mais la stratégie déployée a-t-elle pour autant été couronnée de succès, s’interroge ? Les comptes Twitter et Facebook d’Agriculture et liberté comptent à peine quelques centaines d’abonnés. Mais ces chiffres qui peuvent sembler bien maigres contrastent avec le discours de Red Flag, qui se vante dans des documents promotionnels d’avoir « récemment remporté la plus grande campagne de réglementation et d’affaires publiques de l’Union européenne ». Le cabinet indique avoir utilisé des « alliés non traditionnels » pour cibler des membres de gouvernement français, allemand, anglais, polonais, roumain, néerlandais, italien et espagnol. Si Red Flag n’a pas souhaité confirmer qu’il était ici fait référence à la campagne concernant le glyphosate, cela ne fait que peu de doute pour Greenpeace. Par ailleurs, indique l’enquête de l’ONG, un porte-parole de Monsanto a affirmé que des liens existent entre l’entreprise spécialisée dans les biotechnologies agricoles et Red Flag.

Contactés par RMC, les responsables de Red Flag assurent « n’avoir jamais prétendu être un groupe de fermiers » et « n’avoir exercé aucun lobbying » mais seulement « cherché à rétablir la vérité sur le glyphosate auprès d’agriculteurs qui ont ensuite fait entendre leur propre voix ». Une manière de présenter les choses qui peine à convaincre et ne permet pas de lever la suspicion face à une campagne dont l’objet était d’influencer le débat public au cœur d’une manière opaque dans l’intérêt d’une ou plusieurs multinationales. Greenpeace n’a d’ailleurs pas hésité à dénoncer des méthodes calquées sur celles de l’industrie du tabac et des énergies fossiles.

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Fin 2017, Libération montrait déjà comment Monsanto avait distillé le doute à propos des études scientifiques qui concluaient que le glyphosate était dangereux pour la santé, ne laissant s’exprimer qu’une seule voix. La même année, on apprenait également que Monsanto déployait des trolls sur les réseaux sociaux pour polluer les articles critiques de ses produits. De quoi entretenir au minimum le doute dans l’opinion. La nouvelle enquête publiée cette semaine confirme les stratégies de grande ampleur développée par le géant de l’agro-industrie pour influencer et manipuler l’opinion publique.


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