D’abord présentée comme une simple « pénurie » dû au manque de matière première et une hausse de la demande étrangère, la disparition soudaine du beurre des rayons des grandes surfaces a sans doute des raisons plus complexes. En effet, après quelques jours de questionnement, les regards se tournent vers les acteurs de la transformation et de la distribution, qui semblent avoir écarté la fabrication et la vente de l’aliment pour des raisons économiques. Les voix d’éleveurs et de représentants du monde paysan s’élèvent désormais pour commenter un phénomène qui jette une nouvelle fois le discrédit sur le fonctionnement même de notre système alimentaire.

La « pénurie » de beurre n’en finit pas de faire parler. Comment un pays riche comme la France, 6eme producteur de beurre dans le monde, pourrait-elle manquer d’une matière à la base même d’un grand nombre de symboles alimentaires qui font sa renommée à travers le monde ? C’est dans ce contexte que, depuis quelques jours, les agriculteurs multiplient les opérations de terrain et les interventions publiques afin de dénoncer cette « supercherie » propagée par la grande distribution et des entreprises de transformation majoritairement relayée dans les médias.

Les thèses avancées pour expliquer la « pénurie » pendant les premiers jours divergeaient, analyse Arrêt sur images. Il y en a pour tous les goûts. Alors que certains pointaient une baisse des rendements des vaches laitières en raison d’un manque de foin, d’autres estimaient que c’étaient les marchés chinois et américains, dont la demande a effectivement augmenté, qui étaient les principaux responsables de la pénurie. Si les hypothèses varient, le constat est le même depuis mi-octobre pour les consommateurs, les artisans et industriels : il est de plus en plus difficile d’en trouver dans les rayons.

Mais la thèse de la pénurie, telle qu’a été d’abords présentée, n’a pas convaincu les paysans producteurs de lait. Les causes sont-elles réellement celles qui ont été avancées ? Si l’augmentation des cours du beurre est indéniable, sa disparition aussi rapide des rayons aurait comme première cause les intérêts économiques de la grande distribution et l’industrie de la transformation liée aux marques. La première voit ses marges diminuer avec l’augmentation des cours et ne souhaite pas payer le beurre à son prix réel (quitte à retirer le produit des rayons) ; les seconds tirent avantage de l’augmentation de la demande en Chine et aux États-Unis. Les seuls vraiment à l’origine du produit, les producteurs, ne semblent pas écoutés. Ils ne bénéficient pourtant économiquement pas vraiment de cette rareté artificielle sur le territoire français.

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Mise en cause profonde du système alimentaire

Selon la Confédération paysanne, il faut tirer les leçons d’un phénomène qui a marqué l’opinion pour entamer une réflexion structurelle à propos de notre modèle agricole actuel. Le cas présent marque « l’opacité des industriels », nous explique ainsi Nicolas Girod, secrétaire général de la formation. « Cet épisode de flambée des prix du beurre et de pénurie dans les magasins est symptomatique du fonctionnement absurde de la filière laitière et de notre système alimentaire », analyse le syndicat agricole, qui s’insurge contre le pouvoir qu’ont les industriels qui imposent leurs choix stratégiques au monde paysan et aux consommateurs en fonction des aléas économiques, mais toujours dans leur propre intérêt.

D’autant que le phénomène récent est le témoin de ce qui pourrait se passer un jour à une plus grande échelle, avec d’autres produits. Que se passerait-il si, pour des raisons stratégiques, l’achat de pâtes ou de pommes de terre n’intéressait plus la grande distribution du jour au lendemain ? Aussi, la Confédération Paysanne s’inquiète de l’absence de souveraineté alimentaire, se demandant s’il est raisonnable de laisser ces acteurs économiques décider seuls du marché, alors qu’ils jouent surtout un rôle d’intermédiaires. Une telle situation serait-elle seulement possible dans les circuits-courts ? « La question de la souveraineté alimentaire ne peut être laissée au bon vouloir des intérêts privés sous peine de basculer dans l’absurde », analyse le syndicat dans un communiqué de presse, qui pointe également l’UE, la libération des marchés et les politiques de dérégulation. Le système alimentaire doit-il alors se réformer ?

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Sources : bastamag.net / arretsurimages.net / confederationpaysanne.fr

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