Le débat ne date pas d’hier, et pourtant il continue de déchainer les passions parmi les défenseurs de la cause animale : faut-il faire interdire l’élevage des animaux destinés à fournir l’industrie de la fourrure ? L’association PETA propose de nous mettre un instant dans la peau des animaux à travers sa dernière campagne coup de poing. Un message qui ne peut laisser indifférent…

L’association américaine PETA (People for the Ethical Treatment of Animals, comprenez « Personnes pour un Traitement Éthique des Animaux ») vient de sortir un nouveau spot publicitaire dénonçant la cruauté animale qu’engendre l’industrie de la mode, et notamment de la Haute Couture. Cette ONG est connue pour ses opérations très visuelles, parfois jugées extrêmes, appelant à lutter contre la souffrance animale. Bien que certaines méthodes de l’association puissent être contestables, elle n’en reste pas moins une référence en matière d’actions concrètes pour la défense des êtres vivants non-humains.

La fameuse vidéo signée Peta

Les célébrités sont désormais nombreuses à avoir rejoint le mouvement de PETA ces dernières décennies, prenant position pour des causes assez variées. De nombreux mannequins ont notamment posé nus, arborant le célèbre slogan des années 90 : « Je préfère être nue que porter de la fourrure ». Et c’est cette fois-ci la chanteuse Sia qui prête sa voix à leur dernier spot anti-fourrure en interprétant la chanson « Free the Animal » (Libérez les animaux).

Dans ce clip, des animaux, habituellement prisés par les créateurs pour leur fourrure, défilent sur un podium de mode, ovationnés par le public et mitraillés par les flashs des photographes, tandis qu’ils arborent des pièces Haute Couture créées à partir de… morceaux humains. Le créateur, incarné par un phoque, ne manque également pas de rappeler la lutte de l’ONG contre les chasseurs de phoques du Canada fournissant l’industrie de la mode en peaux.

Crédit: PETA

Un inversement des rôles que certains ne manqueront pas de comparer à de « l’anthropomorphisme » (le fait d’attribuer aux animaux des sentiments humains), mais que d’autres, empreints d’un peu plus de compassion (du latin cum patere : souffrir avec), verront comme un bon moyen d’essayer de se mettre à la place de ces animaux élevés exclusivement afin de fournir les créateurs de mode en fourrure. Des animaux destinés à vivre une courte existence dans des conditions absolument misérables pour mourir dans la souffrance.

L’industrie de la fourrure affirme que la production de peaux est encadrée par des règles strictes visant à protéger les espèces en voie de disparition. La Fédération Internationale du Commerce de la Fourrure (IFTF) a initié fin 2006 un nouveau système de label afin de garantir la provenance des animaux. Le logo « Origin Assured » (Origine Assurée) permettrait, d’après eux, de garantir que ces fourrures soient originaires de pays où leur production est soumise à une réglementation et à des normes reconnues par eux.

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Crédit: Katia

Si l’industrie de la mode et de la Haute Couture cherche à se montrer rassurante en affirmant s’être engagée ces dernières années à suivre des chartes de qualité prenant en compte le respect de l’animal, les choses semblent se compliquer sur le terrain, un terrain où la transparence n’est pas toujours de mise, et les chiffres sont assez parlants. Les labels apparaissent alors comme autant de subterfuges qui cachent une réalité froide : on n’arrache pas la peau des animaux dans la joie et le respect.

Une production intensive et cruelle

Au cours de l’année 2014, c’est 150 millions d’animaux qui auraient été élevés et tués pour leur fourrure sans que leur chair ne soit consommée : 90 millions de visons, 25 millions de renards, 15 millions de ratons laveurs, ainsi que de nombreux autres animaux.

Crédit: Jo-Anne McArthur

Ces élevages en batterie, situés dans 22 pays d’Europe et un peu partout dans le monde, sont souvent pointés du doigt pour leur traitement brutal et inhumain des animaux régulièrement frappés, électrocutés, voire même parfois dépecés vivants et jetés agonisants dans des poubelles. Les animaux y sont confinés dans des cages si étroites qu’ils en deviennent fous, ne pouvant exercer leurs instincts naturels, se blessant les pattes en passant à travers les grilles. Ils sont souvent privés de nourriture, s’attaquent les uns les autres, sont castrés sans anesthésie, souffrent de maladies et d’infections, vivent dans des conditions d’hygiène déplorables, engendrant un stress qu’on peut à peine imaginer.

Le moment de leur mise à mort n’est même pas celui de leur délivrance puisqu’ils sont bien souvent encore conscients lorsqu’on les dépèce, les techniques d’empoisonnement, de gazage et d’étourdissement étant peu efficaces, le but étant d’assurer la productivité. Leur cœur peut continuer de battre plusieurs minutes après qu’on leur ait retiré leur fourrure…

Crédit: Linn Krogstad

Certains pays, comme la Chine (connue pour ses fermes à lapins angoras), produisent de la fourrure à large échelle dans un contexte de réglementation animale complètement inexistante. La Finlande est le premier producteur mondial de fourrure de renards, quant au Danemark et au Canada, ils sont tristement célèbres pour leur fourrure de visons. Globalement, en Europe, les normes de qualité semblent ne pas être plus avancées qu’en Chine avec des usines dénoncées comme étant sales et négligées.

Crédit: Igualdad Animal

Un aspect moins connu de cette industrie est la capture en milieu naturel qui implique la mort de 5 millions d’animaux chaque année. Des animaux agonisant plusieurs heures, voire plusieurs jours, coincés dans des pièges dont d’autres espèces non-visées font également les frais.

Selon Isabelle Goetz, porte-parole de PETA en France: « L’industrie de la fourrure est un lobby. Pour vendre plus, les producteurs n’hésitent pas à organiser des cours, pour apprendre aux jeunes créateurs à travailler cette matière, à sponsoriser des défilés ou à inciter les maisons à l’utiliser partout en détail.« 

Une industrie de la mode indifférente

Industrie de la mode ou industrie de la mort ? Comment expliquer un tel retour en grâce d’une matière aussi polémique ? La fourrure n’a jamais été aussi prisée sur les podiums que ces dernières années. Un temps décriée, elle revient en force, sous forme de manteaux, de sacs à main, de chaussures, teinte en une multitude de couleurs et utilisée au détail sur des pièces Haute Couture. Elle se veut décomplexée, assumée et d’un « luxe ultime ». Car selon Karl Largerfeld, à la tête de la maison Chanel, lutter contre la fourrure serait une hypocrisie. D’après lui : « Il faut être cohérent. Comment peut-on critiquer la fourrure en mangeant un hamburger et en portant des chaussures en cuir ? Car, quand même, le cuir, c’est de la fourrure épilée !  ». Il conviendrait donc tirer de le monde vers le bas par fatalisme et mimétisme, et en cœur s’il-vous-plait.

Crédit: Michel Gaubert & Shu Uemura

Une position peu étonnante puisque Karl Largerfeld a organisé en juillet dernier le défilé Fendi collection automne-hiver 2015-2016 élégamment intitulé « Haute-Fourrure ». On est en effet en droit de s’étonner qu’un créateur assumant ouvertement l’usage de la fourrure dans ses créations puisse faire preuve d’un certain spécisme (la préférence d’une espèce à une autre) en chérissant d’un autre côté Choupette, sa célèbre petite chatte qu’il choie et photographie dans le cadre de campagnes publicitaires de la maison Chanel. Une drôle d’incohérence, ou comment aimer les uns et dépecer les autres.

Comble de l’hypocrisie, Karl Lagerfeld avait participé à une campagne lancée par Amnesty International il y a quelques années afin de dénoncer toutes les formes de torture. Dans cette publicité, le visage ensanglanté, on y voyait Karl Largerfeld déclarer : «  Le sommet de l’élégance c’est la chemise hawaïenne et les tongs » suivi de la phrase : « Torturez un homme et il vous racontera n’importe quoi. En plus d’être inhumaine, la torture est inefficace. Arrêtons ça. » À l’image du Greenwashing (blanchiment vert), il est aussi possible de se racheter une fausse bonne image.

Campagne choc d’Amnesty International contre la torture

Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’emploi de la fourrure n’est pas le seul fait de l’univers du luxe. Les enseignes de prêt-à-porter mainstream (à destination des consommateurs moyens) utilisent elles-aussi, selon les marques, de la fourrure pour leurs collections automne-hiver, sans parler des doudounes remplies de plumes violemment arrachées aux oies et canards d’élevage. Ces fourrures, provenant principalement de Chine, sont souvent confondues avec de la fausse fourrure, les consommateurs étant persuadés qu’un prix abordable signifie nécessairement qu’il s’agit d’une matière synthétique. Mais pas dans l’ère de la mondialisation. Il est donc crucial de prêter attention aux étiquettes lorsqu’on choisit ses vêtements en boutique.

Et la folie humaine va encore plus loin. Parce que l’industrie de la fourrure est sans limite et que les exigences de certains consommateurs sont de plus en plus hautes, il existe une fourrure très prisée : la fourrure de fœtus appelée « Astrakhan », « Breit » ou encore « Karakul » suivant son pays de production. Il s’agit de la fourrure d’un bébé agneau volontairement asphyxié et avorté après que sa mère ait été violemment tuée dans les derniers jours de sa gestation par des techniques parfaitement inhumaines. 4 à 5 millions d’agneaux sont ainsi tués chaque année pour l’industrie de la fourrure, sans compter les brebis gestantes sacrifiées, les carcasses n’étant même pas consommées, s’accumulant au gaspillage global. Il ne s’agit donc pas d’un phénomène exceptionnel.

Le luxe contre la crise économique

S’il y a bien un secteur qui ne connaît pas la crise, c’est celui du luxe. La croissance annuelle mondiale de ce secteur est en constante augmentation, notamment grâce au tourisme de masse. La fourrure reprendrait ainsi du poil de la bête grâce à la crise de 2008. En contexte de crise, les décideurs chercheraient en effet d’autres moyens de relancer l’économie, faisant fi du luxe « politiquement correct ». La fourrure donne également l’illusion d’être un produit naturel et artisanal alors qu’il est parfaitement industrialisé (sauf rares exceptions).

Le marché de la fourrure pèserait à lui seul 40 milliards de dollars (environ 38 milliards d’euros) et emploierait un million de personnes à travers le monde, dont 60 000 en Europe, selon le European Fur Information Center. L’un des grands arguments des producteurs de fourrure s’appuie sur le fait que 95% des fourrures seraient selon eux recyclables, contrairement aux matières synthétiques qui imitent la fourrure. Employant le terme d’« éco-fourrure » et le slogan « Un ami de la nature porte de la vraie fourrure », les industriels voguent sur la tendance « écolo » et soutiennent que les matières naturelles, telles que la fourrure de vison, peuvent avoir une durée de vie allant jusqu’à 40 ans, permettant ainsi de diminuer l’impact sur l’environnement… Sauvez la nature, tuez des animaux en masse.

Pour les industriels, la fausse fourrure ne serait pas un choix écologique responsable. En effet, certaines fourrures synthétiques sont fabriquées à base de nylon, d’acrylique et de polyester non renouvelable. C’est fermer les yeux sur les centaines d’alternatives parfaitement naturelles en matière d’habillement. L’écologie est ainsi devenu le nouvel argument des défenseurs de la fourrure traditionnelle, insistant sur le fait qu’il s’agit d’une ressource naturelle renouvelable. Il est en effet techniquement possible de produire à l’infini des animaux pour les massacrer. Cet argument omet cependant ce qu’en coûte la production intensive de fourrure en amont comme en aval.

Un impact néfaste sur l’environnement

Comme tout élevage intensif, les élevages d’animaux destinés à fournir la mode en fourrure polluent l’environnement et les sols. Ces usines de production participent à la dégradation des sols, au réchauffement climatique par l’émission de gaz à effet de serre et au gaspillage d’une ressource naturelle qui se raréfie : l’eau. On estime en effet qu’il faut compter 1000 litres d’eau pour produire 1 kilo de fourrure de vison. Multipliez ces chiffres par des dizaines de millions d’animaux et on atteint très rapidement un niveau inquiétant de gaspillage en eau pour la production d’une matière tout sauf nécessaire à la survie de l’espèce humaine.

Crédit: John Horton

Selon le site internet  The Truth About Faux Fur (La vérité sur la fausse fourrure), le traitement des fourrures et des peaux impliquerait l’utilisation de substances issues de la pétrochimie qui, une fois rejetées dans la nature, viendraient contaminer les sols et les cours d’eau. Il en serait de même pour la contamination des sols par les kilos d’excréments produits par les animaux d’élevage. Toujours selon ces sources, certains animaux s’échapperaient parfois de leur cage et viendraient ainsi perturber des écosystèmes locaux déjà fragilisés par l’impact de l’homme.

Des cas de pollution environnementale auraient également été constatés en Amérique du Nord, ainsi qu’en Finlande et en Asie. Une situation alarmante que dénonce le site internet à travers ce graphisme très clair.

Des alternatives existent pourtant

Peut-on s’opposer à la fourrure tout en consommant des produits animaux ? Il semble évident qu’à moins de vivre dans une région reculée subissant des hivers extrêmement glacials, ce qui concerne une infime minorité du monde, la fourrure n’est plus une nécessité pour se protéger du froid dans les sociétés développées. Les alternatives de qualité sont de plus en plus nombreuses sur le marché de la « fausse fourrure » tout comme les matières synthétiques, dont certaines sont désormais durables, permettant de préserver la chaleur.

Des créatrices couture comme la britannique Stella McCartney, fervente défenseure des animaux et partisane de la non-violence, refuse catégoriquement l’usage de toute matière animale (fourrure, cuir, laine, soie, cachemire etc) pour ses défilés. Elle avait d’ailleurs créé la surprise lors de la dernière Fashion Week de Paris en présentant une tenue réalisée à base de fourrure synthétique. Un choix qui n’empêche pas ces personnes d’exprimer leur art et de faire vivre l’univers de la mode de manière soutenable et éthique.

Crédit: Vogue

D’autres créateurs comme Calvin Klein, Hugo Boss, Tommy Hilfiger ou encore Vivienne Westwood ont également renoncé à utiliser la fourrure dans leurs créations sans que leur business ne s’effondre. La preuve donc qu’il est possible de créer des vêtements de qualité et esthétiques tout en épargnant des millions de vies.

En février 2015, le géant du textile Inditex, propriétaire de l’enseigne de prêt-à-porter Zara, a officiellement annoncé qu’il n’utiliserait plus la laine angora dans ses produits. La même décision fut prise par des enseignes comme H&M (qui reste critiquable sur d’autres points), Asos, Topshop ou encore French Connection suite à la diffusion d’un reportage tourné en caméra cachée dans des élevages chinois. On y voyait des lapins angoras auxquels on arrachait les poils vivants, hurlant de douleur avant d’être remis en cage pour que leurs poils puissent repousser. Même s’il est évident que la motivation première de ces enseignes fut d’éviter un scandale médiatique et non pas de provoquer une prise de conscience du public, le résultat final reste positif. Dénoncer les réalités permet donc de faire plier des grands noms de l’industrie du vêtement.

« Si vous ne porteriez pas votre chien… S’il vous plait ne portez pas de fourrure.« 

Désormais illégales au Royaume-Uni et en Autriche, les fermes dédiées à la production de fourrure ont également récemment été interdites en Belgique par le Parlement wallon, suivi par la région bruxelloise.

A l’heure où certains créateurs se montrent des plus innovants en utilisant la technique de l’impression 3D, la fourrure semble appartenir à un autre temps et être véritablement démodée. La question du bien-être animal demeure un impératif, que l’on soit vegan ou non. Les associations de défense animale continuent de révéler la cruauté inhérente aux industries de la fourrure, du cuir, de la laine, du duvet et des peaux exotiques à travers le monde. Un combat de longue haleine qui commence par la prise de conscience du pouvoir que nous tenons entre nos mains, en tant que consommateurs et citoyens de cette planète, afin d’assurer le respect de chaque vie.

Crédit: Sophie Lambda


Sources : 30millionsdamis.fr / lesinrocks.com / madmoizelle.com / lexpress.fr / lesoir.be / ladn.eu / animaniacs.fr / mercilamode.com / mode-sans-fourrure.com

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