République Démocratique du Congo : des déchets toxiques issus de la 4e plus grande mine de diamant au monde menacent la population et les écosystèmes aquatiques. Douze personnes, ainsi que des dizaines de milliers d’animaux, sont déjà décédées suite à l’ingestion de substances contaminées. Retour sur cette catastrophe.

L’activité minière est mortifère. Qu’importe le matériau convoité, le résultat est toujours le même : les écosystèmes sont pollués, provoquant ensuite la mort de dizaines de milliers d’êtres humains comme non-humains, pour le profit d’une minorité. Nous vous avions déjà parlé d’un tel phénomène concernant l’orpaillage illégal, en Guyane française, notamment en raison de l’utilisation du mercure.

Cette fois-ci, il s’agit de la quatrième plus grande mine de diamant au monde, située en Angola dans la province de Lunda Sud. En effet, depuis fin juillet, les rivières de Tshikapa et Kasaï subissent les pollutions de la mine angolaise de Catoca. La fuite d’un barrage de résidus utilisé pour stocker les déchets miniers serait à l’origine de cet incident. Les conséquences sont sans appel. 

La mine de Catoca / Crédits photo : Justice et Paix

Des dégâts sociaux et écologiques énormes

Bien qu’une enquête soit toujours en cours afin de déterminer les conséquences et les risques liés à cette fuite, cet événement est déjà considéré comme sans précédent dans l’histoire de la RDC. Dans les régions sinistrées, les dégâts humains et environnementaux sont énormes : selon les partenaires de Justice & Paix sur place, douze personnes seraient décédées suite à l’ingestion de substances contaminées et de nombreux cas de dysenterie et d’éruptions cutanées graves sont à déplorer parmi les populations.

Crédits photo : Reuters

Les eaux ont changé de couleur et des dizaines de milliers d’animaux, dont plusieurs hippopotames, sont morts. Malgré l’appel des autorités à ne pas consommer d’eau et de poissons provenant des eaux polluées, une partie de la population ne peut se priver de ces ressources.

Crédits photo : The Congo Basin Water Resources Research Center (CRREaC)

Néanmoins, depuis l’incident (signalé par l’ONG Justice et Paix via un communiqué de presse le 3 septembre 2021), le dossier a quelque peu avancé : la société pollueuse a été identifiée et a reconnu le fait. Le gouvernement angolais est informé de la situation, ce qui marque le début du processus de réparation. Un processus difficile à appréhender lorsque demeurent de nombreuses interrogations au sein de la population civile … notamment concernant la toxicité des substances relâchées, la présence ou non de métaux lourds, les risques de pollution de la chaîne trophique et la possible contamination du fleuve Congo. A ce sujet, la ministre de l’environnement a déclaré :

« l’eau commence à s’éclaircir doucement mais cela n’exclut pas la présence de matière toxique parce qu’il n’y a plus de poissons. (…) il y a eu destruction totale de la biodiversité aquatique. Le problème qui se pose actuellement est la question de la restauration de l’écosystème aquatique. »

De la nécessité de se questionner sur notre responsabilité

L’exploitation du diamant naturel est depuis longtemps mise en cause pour son implication dans le financement de conflits armés. Les diamants extraits de la mine de Catoca, quatrième plus grande mine au monde, sont destinées principalement à l’exportation vers des pays occidentaux. L’Union européenne n’en produit pas, mais elle est la deuxième région importatrice mondiale derrière l’Inde et la première région exportatrice. Anvers et Londres sont d’ailleurs des hauts lieux du commerce international de diamants.

Si elle constitue bien plus une réponse à un désir qu’à de réels besoins fondamentaux, l’extraction de ces matières a bel et bien des conséquences mortifères tant sur le plan social que écologique. C’est pourquoi l’ONG Justice et Paix tient à souligner notre responsabilité, en tant que pays principaux consommateurs de ces matières dites « précieuses », à prévenir ces catastrophes socioécologiques. Contrôle de la chaîne de valeur, certification, contrôle des multinationales, respect voire réforme du droit minier … les instruments et pistes d’action ne manquent pas. Le volontarisme étatique et politique par contre, oui.

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Selon Simon Rix, responsable plaidoyer de l’ONG :

« l’heure est à la coordination d’une réponse adaptée mêlant soutien humanitaire, expertise scientifique et politique afin de contenir et prévenir autant que possible les dégâts engendrés par cette catastrophe.»

L’ONG estime qu’il sera essentiel de mettre la lumière sur les responsabilités de chacun et d’assurer qu’il y ait justice et réparation. Celle-ci rappelle que les abus environnementaux et humains commis par les entreprises minières, notamment envers les enfants, sont monnaie courante et que cet événement confirme une nouvelle fois l’importance d’encadrer de manière plus stricte les entreprises en RDC afin qu’elles remplissent leur devoir de vigilance en matière de respect des droits humains et environnementaux dans l’exercice de leurs activités.

La société civile milite depuis de nombreuses années tant aux niveaux belge, européen qu’onusien pour une législation en ce sens, cette année sera particulièrement importante à cet égard puisque des propositions de textes sont en examen à chacun des niveaux de pouvoirs précités. Quant au sujet du commerce du diamant, l’ONG tient une position très critique envers le Processus Kimberley (système de certification international mis en place en 2003 pour mettre fin au commerce de diamants de conflit). Agathe Smyth, Chargée de plaidoyer pour l’ONG souligne : 

« Les graves lacunes de la chaîne d’approvisionnement en diamants doivent être sérieusement corrigées, et non balayées sous le tapis, surtout par la Belgique,  pays du diamant par excellence. Il est temps que les membres se remettent en question, même si cela veut dire abandonner ce système obsolète pour créer de nouvelles solutions ».

-Camille Bouko-levy

 

Photo d’entête : mediacongo.net

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