Eliott vit en quasi-nomade depuis près de 5 ans. De retour de ses 3 mois au cœur de la Mongolie, ce jeune français nous partage ses 2000 kilomètres d’expériences dont 900 kilomètres à cheval et 700 à pied. Un voyage qui lui fera perdre 8 kilos et prendre 12 cicatrices. C’est aussi 1000 rencontres. 1000 souvenirs. 1000 histoires à raconter, nous confie-t-il. Attention, dose d’inspiration !
Eliott Schonfeld est étudiant en Philosophie à la Sorbonne. Un amour du voyage précoce le pousse à parcourir le monde dès qu’il en a eu l’occasion. Voici cinq ans que ce jeune français explore les continents à la recherche des endroits les plus reculés, là où les Hommes, s’il y en a, s’adaptent à la nature et non l’inverse. À pied, à cheval, en stop et parfois en moto, ce jeune aventurier a déjà foulé les 5 continents à seulement 23 ans. Voyageant avec le strict minimum, sans rien accumuler de matériel, et avec des moyens le plus souvent écologiques, Eliott se considère désormais comme « Nomade » à sa manière. C’est d’ailleurs le nom qu’il a donné à sa toute première vidéo, résultant de son dernier voyage. Nous l’avons interviewé à son retour de Mongolie, où il a passé trois mois, dont 32 jours en plein cœur du désert de Gobi…
MR.M. : Qui se cache donc derrière ce nomade des temps modernes ? Peux-tu nous en dire plus sur toi ?
Eliott S. : J’ai 23 ans. En 2011, j’ai décidé de quitter mon mode de vie sédentaire et de partir à la découverte de mondes où l’homme n’a pas encore laissé sa marque et où la nature demeure sauvage. Avant le grand départ, j’ai passé tout l’hiver à travailler comme Handler (responsable des chiens) pour un camp de chiens de traineau dans le Vercors. Puis, j’ai tout quitté pour mon premier long voyage, en Australie. J’y suis resté 6 mois. J’ai passé la plupart de mon temps dans les parcs nationaux, notamment dans le Kakadu National Park (le plus grand parc national d’Australie) où j’ai observé pendant des semaines et des semaines le plus gros crocodile du monde : le Saltwater crocodile.
2013, direction Le grand Nord canadien, dans le camp de chiens de traîneau d’un ami, perdu dans la forêt québécoise, à deux heures du premier village. Là-bas j’ai travaillé comme Handler, puis comme Musher (guide de chiens de traîneau). Après 8 mois passés à vivre avec des chiens, je reviens à Paris et je décide de reprendre mes études à l’université… Après quelques jours assis sur les bancs de la fac, je décide de devenir aventurier. J’organise mes voyages pendant l’été. 2014, je traverse l’Islande du Sud au Nord, en solitaire et en autonomie complète. 2015, je passe à un niveau supérieur : 3 mois en Mongolie. 2000 kilomètres. 900 kilomètres à cheval dans la steppe. 700 kilomètres à pied dans le désert de Gobi. 8 kilos de perdus. 2 trous supplémentaires à ma ceinture. 2 grosses bosses sur mes épaules et mon dos. 12 cicatrices aux mains. Seul. À 22 ans.
MR.M. : Avez-vous eu des craintes durant ces expériences ? Un sentiment d’insécurité ? Comment surmonter ce sentiment ?
Eliott S. : À chaque voyage, je constate que les premiers jours sont les plus difficiles. Je suis généralement très angoissé et c’est peut-être le seul moment où je pourrai dire que j’ai réellement peur. Pas pour ma vie, pas pour ma sécurité mais peur de l’échec, peur de ne pas être capable d’accomplir ce dont j’ai rêvé et planifié pendant de nombreux mois, peur de me décevoir et de décevoir ceux qui me soutiennent.
À part ces premiers moments, si je ressens de la peur, c’est une peur motrice qui m’ouvre les yeux, qui m’aide à voir des choses que je n’aurais pas vu autrement, une peur qui me rend vivant, alerte et qui m’apporte plus qu’elle ne me nuit. Ce sentiment me pousse à me battre dans les moments difficiles, à me dépasser et à continuer à avancer.
Bien sûr, il y a toujours des inquiétudes qui persistent notamment en ce qui concerne l’eau dans le désert ou quand des tempêtes de sable éclatent en pleine nuit et menacent de détruire ma tente au milieu du Gobi. Même si sur le moment je suis terrifié, j’éprouve aussi beaucoup d’excitation et d’adrénaline, et une fois le moment passé, je suis heureux d’avoir surmonté cette épreuve, j’ai l’impression que ça me rend plus fort.
Le sentiment d’insécurité en revanche a été omniprésent pendant toute la traversée du désert (beaucoup moins dans la steppe quand je croisais des nomades tous les jours). C’est ce que je recherche dans mes voyages. J’aime être dans des conditions de survie. Dans le désert on se sent très vite vulnérable, impuissant mais c’est très reposant de perdre le contrôle sur son environnement, de n’avoir aucune emprise sur le cours des choses, d’être délivré de tout pouvoir, d’être un peu insignifiant.
Cela rend tout moins grave.
En société, j’ai le sentiment que l’Homme se surestime considérablement, qu’il se laisse croire qu’il est capable de tout contrôler, de tout dominer, y compris la nature. L’immensité du désert, me permet de sortir de cette illusion et me rappelle ma véritable place. Je trouve ça très apaisant.
MR.M. : Quel restera votre meilleur moment lors de cette traversée du désert ?
Eliott S. : En 3 mois j’ai vraiment vécu beaucoup de moments incroyables. La rencontre avec les nomades a été un choc pour moi, tant ils sont généreux et accueillants. Cela m’a pris plusieurs jours pour réaliser qu’une telle gentillesse est possible. Un des moments qui m’a le plus marqué s’est déroulé presque un mois après le début de l’aventure : mon cheval et moi terminons la traversée d’une petite chaîne de montagnes. Depuis 4 jours nous n’avons croisé personne, ce qui est assez exceptionnel dans la steppe. Je manque de nourriture et j’espère croiser des nomades rapidement pour reprendre des forces et trouver un peu de compagnie, la conversation avec mon cheval est limitée, il ne fait aucun effort.
La faim me taraude, mon cheval en revanche est le plus heureux du monde : de l’herbe à profusion, due à l’absence des nomades et de leurs troupeaux. Le soir venu, je m’apprête à nouveau à planter ma tente le ventre vide et à ma plus grande joie j’aperçois une petite yourte au loin. Ce soir là j’ai rencontré la plus formidable famille de tout mon voyage. Dans la yourte, habite un couple d’éleveur très âgés avec leurs 5 petits enfants, deux filles et trois garçons qui ont tous moins de 10 ans et les têtes les plus mignonnes de tout le pays. Un lien très fort s’est créé en très peu de temps. J’aide à la traite des Yaks, je joue au foot avec les enfants et on se baigne tous ensemble dans la rivière.
L’espace d’un instant j’ai vraiment l’impression d’être avec mes petits cousins ou mes petits frères. Le soir on dîne ensemble sous la yourte, les enfants tous blottis contre moi. Le lendemain matin, juste avant de partir, deux des petits garçons me sautent au coup pour me dire au revoir, la grand-mère me prend dans ses bras pendant de longues secondes ce qui est très rare avec des étrangers.
MR.M. : Quel conseil donneriez vous à ceux qui voudraient tenter une telle expérience ?
Eliott S. : Une chose importante est de bien connaître son corps, de connaître ses limites pour ne pas se mettre en danger. Mis à part cela, la seule chose importante pour réaliser ce type de voyage est l’envie. C’est d’une banalité affligeante de dire cela mais c’est pourtant vrai.
Si l’on a réellement envie de réaliser un tel projet, si l’on a suffisamment confiance en soi et qu’on est déterminé, alors on a toutes les chances d’y parvenir. Les préparatifs et l’organisation sont des détails, il suffit de lire des livres, de se renseigner sur internet, de parler avec des gens qui ont un peu d’expérience et ensuite on peut y aller.
Sur son site, Eliott résume ainsi sa passion du voyage : « L’adrénaline de la découverte et du risque, le plaisir de voir et de faire ce que peu ont vu et fait, le privilège d’avoir accès aux mystères que recèle la nature, voilà ce qui rend incontrôlable mon envie d’aventures. » En filmant et en documentant ses périples, Eliott souhaite ainsi donner l’envie et le courage à ceux qui rêvent d’aventure de se lancer dans ce mode de vie loin de tout matérialisme. Son prochain départ est prévu pour le 1er juin 2016, mais la destination est encore secrète. Vous pouvez suivre tous ses périples sur son site et sur sa page Facebook.
Source : eliottschonfeld.com / Interview réalisée par mrmondialisation.org