Il est un sophisme couramment entendu qui prétend qu’il ne faudrait pas sauver la planète, qu’elle était là avant nous et qu’elle sera là après nous. La Terre se sauverait donc toute seule et nous serions bien arrogants de croire que nous avons le pouvoir de la détruire. En réalité, rien n’est moins certain, car pour la première fois dans l’Histoire, nous sommes entrés dans l’Anthropocène, cette période où l’influence de l’Homme sur le système terrestre est telle qu’il a désormais le pouvoir et la technologie d’éradiquer les autres espèces vivantes. Et qu’est-ce que la planète Terre sans les êtres qui y vivent ?
En réalité, la Terre est précisément unique dans le fait qu’elle n’est pas un vulgaire caillou sans vie comme le sont des milliards de planètes dans la galaxie. Elle abrite une vie complexe, fruit de centaines de millions d’années d’évolution, de hasards, d’effondrements et de sursauts. Quand une espèce s’éteint, ce sont ces millions d’années de mutations génétiques qui s’effacent à tout jamais, sans possibilité de revenir en arrière. Ainsi, quand le dernier tigre de Tasmanie est mort en 1936 sous les balles des chasseurs, son patrimoine génétique unique dans l’univers a disparu à tout jamais. Si notre bonne vieille Terre a déjà résisté à de précédentes extinctions, c’est la première fois de son histoire que l’extinction massive trouve son origine dans une autre espèce : l’Homme. De fait, la situation est inédite, et nul ne peut prédire l’avenir à ce jour. Face aux menaces d’extinction et au changement trop rapide du climat, il n’est pas impossible que l’être humain fasse un jour de ce monde une planète morte comme Mars, notamment en rendant son atmosphère impropre au développement de la vie. Par conséquent, c’est autant la Terre (en tant que biosphère), que l’Humain et toutes les espèces qu’elle accueille, qu’il convient de sauver aujourd’hui.
Et des espèces menacées d’extinction, il n’en manque tristement pas. Comme l’expose brillamment le film Racing Extinction (des mêmes producteur de The Cove), nous assistons de manière presque impuissante à une nouvelle extinction massive. Durant les 500 dernières années, nous avons perdu un quart des espèces, et avec la révolution industrielle, le phénomène s’est soudainement accéléré. Le rythme des disparitions est jusqu’à 1 000 fois plus élevé que ne le veut le processus d’évolution naturelle (sélection naturelle) selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature. Une rapidité qui rend impossible l’adaptation et précipite l’effondrement de la biodiversité. Mais il n’y a pas de fatalité. Parmi les nombreuses espèces sur le point de s’éteindre (voir la liste de 22 espèces en danger), quatre d’entre elles, particulièrement aimées du grand public, subissent de plein fouet les conséquences de la mondialisation industrielle, du changement climatique et de l’accaparement des ressources.
Le Pingouin Africain (Vert)
52 000 individus. Ce serait le changement climatique le premier responsable. L’animal glisserait vers son extinction à un rythme régulier et soutenu qui ne montre aucun signe de ralentissement. On a déjà observé la diminution de 95 % des manchots africains depuis l’ère préindustrielle. Changements climatiques, perte de la biodiversité, pêche industrielle, industrie pétrolière proche de leur habitat, les raisons évoquées pour justifier cette disparition sont nombreuses mais toutes liées à l’activité humaine. Les scientifiques estiment que si les émissions de gaz à effet de serre restent sur leur trajectoire actuelle (objectif de la COP21), le changement climatique mènera un tiers des espèces du monde entier vers l’extinction (source).
Le Tigre (Jaune)
3200 individus. Une des espèces les plus proches de l’extinction. On en comptait 100 000 au siècle dernier. C’est une diminution de 97% ! En cause, la disparition de son habitat naturel couplé au braconnage. La majorité des tigres qui vivent sur Terre aujourd’hui se trouvent dans des cages, principalement aux États-Unis. Dans la nature, l’expansion de l’agriculture industrielle à placé l’animal en contact avec l’Homme. Pour se nourrir, le Tigre chasse parfois dans le bétail des élevages, ce qui a amplifié sa chasse et son braconnage. Si rien n’est fait, l’animal disparaîtra à l’état naturel d’ici une poignée d’années (source).
L’Ours Polaire (Bleu)
20 000 individus. Après avoir été chassé durant de nombreuses années, sa population s’était stabilisée suite à de grandes décisions internationales. Aujourd’hui l’animal souffre d’un nouveau mal : la faim. En raison d’une pêche industrielle irraisonnée, l’ours blanc manquerait de nourriture. Le nombre de cadavres retrouvés, visiblement victimes de la faim, inquiète. Une photographie d’un ours affamé avait notamment fait le tour du monde courant 2015. L’animal est toujours considéré en danger critique d’extinction. L’activité humaine est à nouveau au cœur de ce bouleversement.
L’Orang-outang (Rosé)
6000 individus. Son extinction quasi-inévitable au regard de notre folie consumériste est liée à la déforestation massive et à l’industrie de l’huile de palme, notamment. Pour y planter des palmiers, les bulldozer rasent leur biotope laissant derrière eux un désert où jonchent les cadavres d’animaux dont l’orang-outan en danger critique d’extinction. Les palmiers ne suffisant pas à constituer un nouveau biotope, sans habitat naturel, de nombreuses espèces s’éloignent dans le meilleur des cas, ou disparaissent dans la discrétion et sous les coups de tractopelles.
Aujourd’hui, tous les scientifiques s’accordent sur le lien inaliénable qui existe entre la bonne santé des écosystèmes et la capacité de l’humain à survivre sur la planète. Plus que jamais, il s’avère impératif de prendre des actions fortes, non seulement pour sauver l’Homme, mais pour sauver l’ensemble des espèces qui constituent la planète bleue.
Illustration : Florence Weiser