Overshoot est le nom d’une commission mondiale sur le climat créée – en toute discrétion – le 17 mai dernier pour gérer l’emballement du réchauffement climatique. Devant l’incapacité des décisionnaires à enrayer les émissions de CO2, certain·es élaborent des stratégies pour contrôler le climat plutôt que pour nous y adapter. Parmi elles, le captage du carbone et la géo-ingénierie solaire. Menées à grande échelle, ces technologies relèvent – pour l’humanité toute entière – plus du cauchemar que du miracle.
De plus en plus de personnes admettent officiellement que le seuil de 1,5°C fixé en 2016 lors de l’accord de Paris pourrait être franchi bien plus tôt que prévu, au cours de cette décennie probablement. Les conséquences du réchauffement climatique se conjuguent au présent. En Inde et au Pakistan, les récentes canicules – jusqu’à 51°C à Jacobabad – ont projeté des dizaines de millions de personnes dans la spirale d’une terre invivable. Le GIEC appelle à des mesures immédiates alors que nos preuves d’inaction s’accumulent, jour après jour, année après année. L’humanité n’a jamais émis autant de gaz à effet de serre qu’en 2021 et la concentration de CO2 dans l’atmosphère atteint un seuil jamais vu en 4 millions d’années !
La Climate Overshoot Commission, un terrible aveu d’impuissance
Si tout est perdu d’avance, alors lutter contre le réchauffement climatique autrement que par la baisse de nos émissions de CO2 pourrait être une porte de sortie pour éviter le massacre. C’est surtout un terrible aveu d’impuissance et de faiblesse. Le chemin de la décarbonation semble bien trop rebutant à emprunter pour l’Anthropocène qui souhaite garder son confort et ses privilèges.
Et c’est bien celui-ci qu’évite la Climate Overshoot Commission (COC). Elle est constituée d’une vingtaine de personnes, ex président·es et ministres, haut·es fonctionnaires, dirigeant·es de grandes organisations environnementales et expert·es en développement durable. Les pays du Sud y sont bien représentés, ceux-là même qui pâtissent le plus des dégâts causés par le dérèglement climatique.
Cette commission mondiale sur la gouvernance des risques liés au dépassement climatique a donc été créée pour imaginer d’autres solutions – que celles préconisées par le GIEC – afin de préserver le climat d’une dérive catastrophique. Il est officiellement question de préparer la mise en œuvre de solutions techniques à grande échelle permettant une modification « forcée » du climat. Rien que ça.
Sont ainsi mentionnées l’élimination du dioxyde de carbone de l’atmosphère et la géo-ingénierie solaire, une technique destinée à renvoyer dans l’espace une petite partie du rayonnement solaire entrant. Même si ces solutions technologiques sont déjà connues, la commission souligne la nécessité de bien les étudier afin de pouvoir les appliquer à grande échelle. Pascal Lamy – un ancien dirigeant de l’Organisation Mondiale du Commerce et président du Forum de Paris sur la Paix – qui préside la Climate Overshoot Commission précise également que la mise en œuvre de ces solutions technologiques implique « d’importants défis de gouvernance ». Avec une question majeure en suspens : qui aura la main sur le thermostat de la planète ?
Le captage du CO2, plus un mirage qu’un remède
Derrière le but officiel – et louable – de la commission se dévoile une dangereuse stratégie. Il y a d’abord cette gestion assumée et volontariste du dépassement de l’accord de Paris qui peut être clairement vue comme un encouragement à l’inaction climatique qui masque à peine un encouragement à prolonger aveuglément un modèle libéral et productiviste tout autant émetteur de CO2 que destructeur de ressources naturelles et de biodiversité. Il y a ensuite les solutions mises en avant, en particulier celle du captage du CO2, une technologie promue par l’industrie des énergies fossiles et qui s’apparente plus à un mirage qu’à un remède miracle. Le captage [et le stockage] industriel du CO2 présente beaucoup d’inconvénients : un coût élevé, une mise en œuvre complexe, une importante consommation d’énergie et d’eau. N’y a-t-il pas une aberration à vouloir produire du CO2 pour capter du CO2 ?
Reste les solutions naturelles comme la plantation d’arbres, la préservation des sols ou des océans, qui captent efficacement le carbone. Inutile de préciser que ces solutions ne sont pas dans les préférences des lobbies des grands groupes industriels et financiers.
À propos du captage du carbone et du BECCS (bio-energy with carbon capture and storage), Amy Dahan, directrice de recherche au CNRS et co-autrice de l’ouvrage Gouverner le climat est formelle :
« Dans la réalité, ça n’existe pas. On ne sait pas faire. C’est de l’ingénierie fictionnelle. La gouvernance climatique est dans un schisme de réalité. On assiste à une dégradation de plus en plus accélérée du climat et on est toujours dans le « on avance et tout va bien ! »
Le pari prométhéen de la géo-ingénierie
En 1991, l’éruption du volcan Pinatubo aux Philippines a été à l’origine d’une baisse de 0,5°C de la température moyenne terrestre. Les milliards de particules projetés – pour un volume évalué à 10 km3 – ont assombri la terre et provoqué un refroidissement général.
La solution serait donc d’envoyer des particules de soufre dans la haute atmosphère, en quantité suffisante et de manière continue. En occultant une partie de la lumière du soleil, ces particules feraient baisser le thermomètre mondial. Un remède magique qui pourrait sembler efficace. Sauf que les expert·es spécialistes du sujet s’interrogent sur les effets collatéraux de cette solution sur le climat (perturbation des moussons, baisse locale des précipitations, pollution atmosphérique liée à la retombée des particules) et sur un effet boomerang dans le cas où les opérations devaient être interrompues. Un tel scénario serait catastrophique et rendrait vaine toute possibilité d’adaptation.
Pour finir, la géo-ingénierie solaire aurait également pour effet d’altérer la couleur du ciel qui perdrait son bleu profond et deviendrait laiteux. Mais ça, c’est un détail. N’est-ce pas ?