Parti de Bayonne le 5 juin dernier à vélo pour effectuer un tour de France des alternatives, le Tour Alternatiba a eu une bien mauvaise surprise ce lundi 20 Juillet : après une simple prise de parole devant la centrale de Fessenheim, les cyclistes furent stoppés et fichés par la gendarmerie…avant d’être à nouveau bloqués et fichés une seconde fois par la police allemande de l’autre coté de la frontière, sur ordre du procureur de Freibourg ! Débattre du nucléaire ne semble toujours pas possible en France, alors même que Paris accueillera la COP21 en fin d’année.
Il y a quelques jours, on vous faisait découvrir le projet Alternatiba, une initiative citoyenne ayant pour but de promouvoir les alternatives pour contrer la réchauffement climatique à travers de nombreux domaines : agriculture paysanne, transition énergétique, urbanisme vert, réduction et recyclage des déchets, préservation des biens communs…En cette année de COP21, sommet international sur le climat qui se tiendra du 30 novembre au 11 décembre 2015 à Paris, le mouvement Alternative est particulièrement mobilisé.
Ce mouvement va ainsi donner naissance au Tour Alternatiba 2015, un tour d’Europe « engagé » en vélo 4 places à la rencontre des villages et des solutions locales positives. Parti de Bayonne le 5 juin 2015 avec un objectif de 5600 kilomètres, l’évènement se déroule pendant tout l’été dans le positivisme et la bonne humeur, et devrait arriver à Paris le 26 Septembre. Surprise, dans une lettre officielle du 10 juillet, la ministre française de l’écologie, Mme Ségolène Royal, a attribué le « label COP21 » au projet. Une manière de reconnaître l’intérêt général de leur action à l’approche de la conférence internationale.
Alors que le Tour se déroule sans encombre depuis son départ, réunissant plusieurs dizaines de milliers de personnes au cours d’une soixantaine d’étapes, rencontrant élus locaux, associations, ouvriers, militants, artistes et citoyens de tous horizons, les cyclistes arrivent à Fessenheim ce lundi 20 juillet. Ils étaient partis le matin de Mulhouse où 600 personnes avaient accueilli son arrivée la veille et organisé un « village Alternatiba » dominical ensoleillé qui rassembla plus de 3000 personnes.
Le Tour Alternatiba va alors marquer une pause devant la centrale nucléaire de Fessenheim et profiter de cette occasion pour rappeler, devant quelques médias locaux, son opposition à la filière nucléaire française, qui selon les activistes engloutit de trop nombreux milliards aux dépens de la transition énergétique, de l’efficacité énergétique et du développement des énergies renouvelables. Un constat partagé par de plus en plus de citoyens, militants et scientifiques, notamment face au désastre industriel de l’EPR et les rapports de plus en plus précis sur la faisabilité technique et économique d’une transition énergétique 100% renouvelable en France d’ici 2050.
C’est là que les choses se gâtent : suite à cette prise de parole tant pacifique que légale, le Tour Alternatiba fut bloqué environ un kilomètre plus loin par la gendarmerie, pour la première fois depuis son départ. Les 24 cyclistes ayant participé à la prise de parole devant la centrale furent contrôlés et fichés, avant de pouvoir repartir en direction de la frontière allemande. Une fois celle-ci passée, le Tour fit une pause dans une ferme coopérative alternative à Tunsel.
Cet arrêt devient soudainement surréaliste : 7 véhicules de police allemands arrivent sur les lieux et pénètrent dans la ferme privée. Les policiers annoncent aux cyclistes que la France a demandé au procureur de Freiburg de contrôler l’identité de tous les participants, sous peine de bloquer le Tour. Situation irréelle dans laquelle un état parvient à faire intervenir des forces de police étrangères pour bloquer ses propres concitoyens, à vélo, avec comme seul prétexte une prise de parole. Comprenne qui pourra. Les cyclistes n’eurent d’autre choix que d’obéir et purent finalement repartir, en retard, pour Freiburg où ils étaient attendus par d’autres cyclistes.
Les cyclistes du Tour Alternatiba ont pris rendez-vous ce mardi 21 juillet avec une avocate allemande pour étudier les possibilités de déposer une plainte contre l’intervention des policiers allemands. Mais l’enjeu sera surtout de comprendre qui a pu faire une telle demande au procureur de Freiburg qui a certainement des criminels plus dangereux à poursuivre que des militants pacifiques à vélo. Quoi qu’il en soit, cette affaire, qui se termine tout de même sans violence, sans arrestation et sans bloquer le tour, relance cette éternelle question – plus que jamais d’actualité en cette année de COP21 : quand pourra-t-on enfin débattre sereinement et ouvertement du nucléaire en France ?
Source : alternatiba.eu